Dans cette nouvelle rubrique, nous n’allons pas directement
évoquer les Grands Prix motos. À la place, nous allons plonger dans
l’histoire de la plus prestigieuse course au monde : Le
Tourist Trophy. La simple évocation de ce nom
donne des frissons à certains passionnés. Petit rappel, pour les
nouveaux : le « TT » est une course mythique,
prenant place chaque année au moins de juin sur l’île de Man, une
petite dépendance autonome située entre l’Angleterre et l’Irlande
du Nord. Elle se déroule sur un circuit de plus de 60 km, tracé à
même les routes, depuis 1907.
Nous allons aujourd’hui nous intéresser à l’un des pilotes les plus
attachants, rapides et charismatiques de ces 20 dernières années.
J’ai nommé : le kiwi le plus rapide du monde, Bruce
Anstey.
L’histoire d’Anstey est l’histoire d’un mec qui a déjà épuisé son
capital vie. Après avoir fait ses débuts sur route en
Nouvelle-Zélande au début des années 1990, Bruce n’a qu’un rêve en
tête : Le Tourist Trophy.
Son inspiration, il la tient du mythique retour de Mike
« The Bike » Hailwood au TT 1978. Plus
passionné, ça ne s’invente pas. Alors qu’il monte les échelons sur
le plan national, on lui diagnostique un cancer des testicules en
1995. Son mode de vie change, rythmé par les soins et les
médicaments. Cette épreuve lui procure une force mentale
ahurissante, sans limite.
En 1996, soit un an plus tard seulement, il débarque sur l’île pour
la première fois. Maîtriser la Snaefell Mountain
Course lors de sa première apparition est quasiment impossible.
Ainsi, il apprend. Années après années.
Il explose réellement à partir de 2002, date de sa première
victoire en catégorie « lightweight »,
soit 250cc. C’est à partir de cette date que « Bruce tout puissant
» figure au départ de chaque course sur route de prestige. Il écume
le Tourist Trophy, la North West 200 ainsi que le Grand Prix
d’Ulster, les trois plus grandes épreuves du genre.
En 2014, il fixe un nouveau record (17’06’’682 à
213 km/h de moyenne). Un véritable exploit, réalisé dans le calme
le plus total. Après plusieurs victoires en
Superstock ainsi qu’en
Supersport, il remporte la course
Superbike (deuxième plus prestigieuse derrière le
Senior TT) en 2015, accomplissement qu’il
renouvelle en 2017.
Pour 2016, il annonce courir sur la fameuse Honda
RC213V-S. Une MotoGP homologuée, ni plus, ni moins. Bruce
Anstey, c’est tout ça.
C’est quelqu’un qui ne parle pas souvent aux médias, pour ne pas
dire jamais. C’est un Homme, qui a traversé, et qui traverse des
périodes orageuses. Qui se libère à 323 km/h, fond de 6, au
bout de Sulby Straight. Un pilote d’une régularité
extrême, réservé mais tellement grand une fois le cuir tombé. C’est
les couleurs du Team Padgett’s Valvoline, qui tranchent avec son
casque noir.
Sur l’île comme chez lui, mais kiwi avant tout. D’ailleurs,
depuis 2015, il est membre du prestigieux ordre du mérite
néo-zélandais. Le cancer n’est jamais loin, et ressurgit en 2018.
Une fois de plus, Anstey en est sorti
vainqueur.
Pour son grand retour en 2019, il était déjà le plus rapide aux
essais, à 50 ans. Cet homme n’est définitivement pas fait de la
même matière que nous. Pour tout cela, les quinze victoires au
Tourist Trophy étant presque secondaires, Bruce Anstey est un
pilote à part. Assurément l’un des plus gentils, sans doute l’un
des plus talentueux. Certainement l’un des plus
héroïques.
Photo de couverture : Dave Johnson