1983. Dans les paddocks du circuit d’Imola, au soir de la
dernière manche de la saison, les hommes et pilotes s’activent à
ranger le matériel. Les participants des catégories 350cc et 50cc
le savent. C’est la fin. Deux catégories majeures
du championnat disparaissent, d’un seul coup. Pour les modestes
engagés de la plus petite des catégories, c’est une terrible
nouvelle et certains n’auront pas le budget pour se lancer en 80cc
ou en 125cc. Pourtant, les 50cc, bijoux
d’orfèvrerie et de mécanique simple ont marqué à leur manière
l’histoire du championnat du monde de vitesse motocycliste.
Retournons dans les années 1950 pour quelques instants. Les pays
européens se remettent doucement mais sûrement de la Seconde Guerre
mondiale, et les motos sont toujours un moyen de locomotion
efficace. Cependant, tout le monde ne peut pas s’en acheter et l’on
privilégie les plus petites cylindrées, par le fait moins
coûteuses.
Certains trublions ne peuvent s’empêcher de faire des courses avec,
comme si c’était dans la nature de l’Homme. Grâce à leur popularité
au près des classes moyennes, les 50cc deviennent courantes et de
plus en plus de compétitions amateurs sont organisées au
Royaume-Uni ainsi qu’en Italie.
La FIM sent la bonne affaire et décide de tâter le terrain
en montant une coupe d’Europe pour 1961. Celle-ci emprunte
des circuits de prestige tels que Zolder,
Zandvoort ou Hockenheim, preuve
de l’engouement que cette catégorie suscite.
Tomos, Itom ou encore
Ducson sont au départ mais une marque écrase le
championnat : Kreidler.
Hans-Georg Anscheidt remporte quatre des huit
manches et ne laisse que des miettes aux adversaires. Sa monture
n’y était pas pour rien. Kreidler est une firme mythique de
Stuttgart, spécialisée dans la métallurgie depuis le début du XXe
siècle. En 1950, tout change. L’institution commence la production
de motos de très petites cylindrées, avec la fameuse
Florett en tête (cette même machine utilisée par
notre bon Hans-Georg).
On estime d’ailleurs qu’en 1959, le tiers des motos allemandes en
circulation proviennent de l’usine d’Anton Kreidler. Immédiatement,
les allemands flairent le filon. Les Kreidler sont modifiées par
l’usine pour la course alors qu’un championnat du monde n’existe
encore pas. L’implication de la maison mère est la clé de ce succès
probant. Les motos étaient somme toute rudimentaires : des
deux-temps équipés d’une boîte à quatre rapports délivrant 9
chevaux, pour atteindre la spectaculaire vitesse de 136
km/h.
La FIM décide donc d’ajouter la 50cc aux Grands Prix pour 1962.
En accord avec cette décision, deux constructeurs japonais suivent.
Honda et Suzuki chercheront à détrôner les Kreidler, malgré tout
favoris. Les espagnols de Derbi, en plein
ascension, mettent également le pied à l’étrier.
Kreidler redouble d’efforts afin de transformer l’essai. Une
victoire sur la scène mondiale permettrait d’asseoir le statut de
la firme, déjà en vogue. C’est ici que commence la course à
l’armement. 50cc, ce n’est pas grand-chose. La
puissance n’est pas limitée et il faut redoubler d’ingéniosité pour
performer. La précision dans les réglages (le vent peut dérégler la
machine, tant tout est finement calculé) est primordiale. Les
allemands restent sur la base du deux-temps, mais proposent des
vitesses surmultipliées à l’aide d’un système complexe. Le nombre
de vitesses est porté à 12 (!), pour 10 chevaux à 11 000
tr/min.
Un problème de taille se dresse. Un problème venu de
l’Est. La firme d’outre-Rhin souhaitait et tenait à ce que
les modèles de course ne s’éloignent pas trop des modèles vendus
dans le commerce. Les japonais ne se posaient pas tant de
questions.
L’affrontement technologique à coûts réduits allait arriver, cela
ne faisait aucun doute. Qui des japonais, non limités mais avec
moins d’expérience ou des allemands, bridés par leurs modèles de
route mais maîtrisant parfaitement le domaine allait
l’emporter ? Réponse au prochain épisode.
Photo de couverture : ANEFO