Il y a quelques années, les négociations de contrats pour l’année suivante commençaient en septembre, puis elles ont ensuite débuté en juillet, et maintenant elles démarrent en janvier. Qu’est-ce qui explique cette évolution ?
« J’ai essayé d’y réfléchir parce que cette évolution est vraiment bizarre, rapide, a analysé Laurent. En fait, j’en suis arrivé à la conclusion qu’il y a de moins en moins de bons pilotes. Cette conjoncture fait que les grosses usines ont peur de ne pas mettre de bons pilotes sur leurs motos. Elles essaient donc d’analyser les pilotes le plus vite possible pour récupérer les meilleurs.
« Je pense que c’est ça, parce que ça fait un peu peur. Tout est rapide, trop rapide, et ce n’est pas bon. »
Et vous, vous en êtes où, avec Johann ? Je suppose que vous devez parler avec presque tous les constructeurs ?
« Voila. Il y a même Aprilia qui m’a contacté. Tout le monde m’appelle, mais moi je veux que Johann gagne des Grands Prix. Il est concentré sur son job, à faire du mieux qu’il peut, et après on rentrera dans les négociations. Ça ne sert à rien de vouloir courir dans tous les sens pour tout gagner. Ça se fait par élimination, petit à petit, et puis après chacun fait sa soupe à sa manière.
Par élimination, je suppose qu’il vous reste une ou deux marques. Après…
« Oui, oui. Il faut une bonne moto, donc une moto d’usine. Il faut d’abord une moto d’usine pour Johann, et après le reste se fera normalement. »
Johann a tourné à Losail lors des derniers tests à moins d’un dixième du record absolu du circuit, qui date de l’époque où les pilotes utilisaient un pneu de qualification qui ne durait qu’un seul tour. On se rappelle également de son brillant début de course l’an dernier, pour sa première course en MotoGP. Pourquoi est-il aussi fort sur ce circuit ?
« Johann est fort partout, je pense. Il n’est pas fort que sur ce circuit, comme il l’a montré récemment en Thaïlande (ndlr : deuxième à 0.086 de Dani Pedrosa, 0.1 devant Marc Marquez). Il n’est pas fort qu’à Losail ».
Je n’ai pas dit qu’il n’était fort qu’au Qatar, mais c’est un circuit où il est très impressionnant.
« C’est grâce à sa manière de piloter. Il y faut beaucoup de vitesse de passage. Il faut être précis. Johann est fin, et profite de l’ensemble de ses qualités à Losail. »
Zarco a prouvé l’an passé qu’un rookie pouvait rapidement s’adapter à la MotoGP. Cet hiver, Takaaki Nakagami, Franco Morbidelli et Hafizh Syahrin se sont également bien débrouillés. Comment des pilotes venus de la Moto2, où le moteur, l’électronique et les freins sont assez simples, arrivent-ils à s’adapter rapidement à une machine de MotoGP nettement plus compliquée ?
« Moi je trouve que la Moto2 est une très bonne catégorie. Avec le moteur unique, sans électronique, c’est le pilote qui fait la différence. C’est très important et c’est ce qui en fait une bonne catégorie.
« Je me fais du souci pour l’avenir avec le moteur Triumph et l’électronique qu’ils vont lui adjoindre parce que ça va créer des excuses aux pilotes et aux teams. Moi je pense que la catégorie Moto2 avec les moteurs Honda a été fabuleuse. Ça a formé plein de pilotes à avoir un feeling, à bien redresser la moto, à soigner leur vitesse de passage.
« Quand l’électronique entre en jeu, le pilote peut ne pas se remettre en question, donc travailler. »
Il y a six constructeurs présents en MotoGP, mais pas douze top pilotes. Cela signifie-t-il que les équipes vont devoir faire monter les enchères et que les pilotes seront mieux payés ?
« C’est comme la Formule 1. Après, il y a une barrière, et on fait monter les enchères… Je ne sais pas s’il faut parler d’argent. Il y a de plus en plus de problèmes. Soyons clairs : je pense que le coup de Lorenzo, ça a refroidi tout le monde (ndlr : 25 millions sur deux ans, 0 victoire en 2017). Ils ont trop misé sur lui, et il se sont rendus compte que l’autre qui touchait le SMIC allait plus vite que lui, il était meilleur que lui. Donc oui il y a des questions à se poser. Il faut à mon avis changer la donne et mériter si tu es bon. Le montant de la rémunération du pilote devrait dépendre de ses résultats. Il faut retomber sur les bonnes bases, le monde délire un peu. »
Photos © Tech 3 et Z & F GP School