Après avoir annoncé sa ferme intention de rester en catégorie
reine pour la saison 2021, Esteve Rabat semble détenir son destin
entre ses mains. Cependant, nul de peut ignorer les résultats
de l’espagnol, plus en difficulté que jamais. Comment cela
s’explique t-il ?
Abattu. Les weekends de course se suivent et se ressemblent pour
Tito Rabat, évoluant dans sa cinquième année de MotoGP. Entre
l’énervement et la déception, sa mine ne trompe pas. Le catalan
semble mentalement au fond du trou mais veut pourtant courir l’an
prochain.
Inutile de se voiler la face : Les places coûtent cher en catégorie
reine et l’apport du père d’Esteve n’est pas négligeable à
l’échelle d’une équipe comme Hublot Reale Avintia. Dressons un
bilan statistique : Il pointe à la 20e place du classement général,
avec 7 points inscrits en 7 courses. L’année dernière ne
fut pas plus glorieuse, terminant 20e avec une moyenne
d’1,35 points par course.
Le cas Rabat est unique en son genre et récemment, seul celui
d’un Stefan Bradl s’en rapproche. En 2014, personne ne pouvait nier
le talent de l’espagnol qui avait toujours su tirer son épingle du
jeu. Arrivé en 125cc en 2005 – à 16 ans seulement – il parvint à se
faire un petit nom en grimpant les échelons petit à petit. Rabat
faisait partie du plan Repsol visant à faire monter des futurs
cracks. Il croisait le fer avec les frères Márquez et Álex
Rins, non ridicule en comparaison.
À la suite d’une bonne saison 2010 où il termina sixième du
championnat 125cc, il décida de passer le cap et de rejoindre la
Moto2. Immédiatement, le pilote fut plus à l’aise. Le premier
podium ne tarda pas, tout comme la première victoire. Cette
dernière vit le jour sur le circuit de Jerez en 2013. Sur la Kalex
– Pons, Tito semblait facile et démontrait sa régularité. À
l’époque, c’est même l’une de ses forces.
Pour 2014, il décida de passer un cap et de signer chez Marc VDS,
team phare de la catégorie. C’est un nouveau déclic : Il remporte
son premier titre mondial à 25 ans. Voulant prouver sa valeur
intrinsèque et ne trouvant peut être pas de guidon satisfaisant en
MotoGP, il décida de remettre son titre en jeu mais un Johann Zarco
taille patron coupa court à toutes ses espérances.
2015 marque aussi l’apparition d’un marqueur important pour la
suite : Les blessures. En effet, Johann Zarco ne fut pas titré à
Motegi après la course, mais bien avant le départ. Rabat ne
pouvait pas courir. Les blessures, chez certains pilotes,
font changer la manière de voir le monde de la course.
Les guidons disponibles pour la saison 2016 n’étaient pas à la
hauteur d’un champion du monde comme Rabat. En poursuivant chez
Marc VDS en catégorie reine – une décision légitime -, le catalan
se tirait une balle dans le pied. Ce n’était simplement plus le
même. Ceci offre une perspective de réflexion quand à la
part de chance en Grand Prix. Imaginons que Rabat soit
promu chez Repsol Honda à la suite d’un départ à la retraite de
Dani Pedrosa. L’histoire est-elle la même ? Jamais nous ne
le saurons.
Cette dimension qu’un talentueux pilote comme Rabat – personne
n’est champion du monde par hasard – illustre parfaitement, est
très liée aux sports mécaniques. Plus la machine ou un objet
interfère entre l’homme et la performance, plus la part de hasard
est déterminante pour une carrière.
Après deux années laborieuses, Rabat choisit Ducati via le
team Reale Avintia Racing. Jusqu’à cette terrible blessure
de Silverstone. Comme si le destin s’acharnait. Criant de douleur
dans le bac à gravier car souffrant d’une triple fracture ouverte à
la jambe, Rabat ne sera plus jamais le même.
À travers l’exposition de ces facteurs divers, il est intéressant
de voir comment des choix de carrières ou des blessures peuvent
affecter une destinée, une vie. Ces exemple étaient nombreux dans
les années 1990 mais Esteve Rabat est aujourd’hui un cas à part.
Une chose est sûre : Il est la preuve vivante que le talent
brut est loin d’être le seul pan d’une carrière bien
construite.
Photo de couverture : Michelin Motorsport.