Si Yamaha arrive à Brno en position dominante au classement général tant des pilotes que celui des constructeurs, après deux Grands Prix à succès à Jerez, ce n’est certainement pas en faisant les fanfarons. Car le potentiel de la marque d’Iwata est plombé par un problème de fiabilité avéré sur ses moteurs scellés. Son allocation annuelle de cinq mécaniques est déjà épuisée et il semblerait que le problème identifié oblige les Japonais à demander à leurs adversaires l’autorisation d’intervenir en profondeur pour changer une pièce. Et ce n’est franchement pas gagné, comme le montre le point de vue de Ducati…
Rappelons les faits : Yamaha a dominé le début de saison en s’appropriant les deux premiers Grands Prix non seulement en y concrétisant avec Fabio Quartararo, mais aussi en y réalisant un doublé d’abord, puis un triplé. Cependant, trois pannes de moteur ont été regrettés. Celle de Rossi (dans la 1ère course), de Morbidelli (dans la 2e course) et de Viñales (FP3 le 25 juillet). Ces mécaniques ont été retirées de l’allocation. C’était la seule façon de les démonter et de les examiner méticuleusement dans l’usine d’Iwata.
Dans l’intervalle, une certaine pièce du moteur a été identifiée comme étant la cause de tous ces malheurs. Elle devrait maintenant être changée. Mais puisque Viñales a déjà scellé le cinquième moteur, que Rossi, Morbidelli et Quartararo ont déjà mis leur quatrième moteur en service, et qu’un maximum de cinq est autorisé par saison et par pilote, Yamaha a besoin de l’approbation de collègues MSMA de Honda, Suzuki, Ducati , KTM et Aprilia…
Les aspects de sécurité doivent être évoqués et démontrés si un fabricant souhaite obtenir l’autorisation de collègues de la Motorcycle Motorcycle Sports Manufacturers Association pour un tel échange de pièces. Un dossier qui ne sera pas simple à constituer et qui sera lourd à porter, dans un contexte où l’ambiance au sein de ce MSMA s’est dégradée depuis l’affaire du déflecteur arrière Ducati en 2019. Mais il est vrai que Yamaha n’avait pas rejoint ses homologues dans la fronde contre la marque italienne.
« Les pilotes Yamaha sont en tête du championnat et à court de moteurs »
Justement, que pense Ducati de la situation de Yamaha et de sa démarche à venir, devant le MSMA ? Le directeur sportif de Ducati, Paolo Ciabatti, a déclaré dans une interview accordée à Günther Wiesinger de Speedweek.com qu’il lui en faut savoir un plus avant de permettre à Yamaha d’ouvrir les moteurs et de remplacer la pièce prétendument défectueuse.
« La réglementation MSMA stipule que vous devez fournir le meilleur travail possible au moment de l’homologation de la « spécification moteur ». Si vous avez les moteurs scellés, vous devez être convaincu que la fiabilité et les performances sont bonnes. Mais il peut arriver qu’une pièce de moteur défectueuse soit produite quelque part dans la chaîne d’approvisionnement. Je ne connais pas le problème de Yamaha. Mais la réglementation est très simple : quand il s’agit de fiabilité et s’il peut être prouvé aux membres de la MSMA que cet échange ou cette mise à jour doit être autorisé, alors il y a autorisation. Mais la cause doit certainement être liée à la fiabilité et non à une augmentation des performances du moteur. De plus, les explications doivent être très claires ». Ce qui veut dire révéler, peut-être aussi, certains secrets…
Dans le championnat du monde Moto3, de tels changements de pièces ont déjà été autorisés par le passé. Il s’agissait de ressorts de soupapes et d’engrenages. Ciabatti souligne que la situation en MotoGP est très différente : « c’est une question délicate. Quartararo est en tête du championnat devant Viñales, et tous les pilotes Yamaha sont évidemment à court de moteurs après le deuxième Grand Prix. Les autres fabricants doivent comprendre clairement ce qui cause ce problème. Ensuite, une décision peut être prise ».
Ducati attend beaucoup pour les courses de Brno et Spielberg. Ducati n’a obtenu que les 3e et 6e places avec Dovizioso. S’il y a des problèmes de stabilité chez Yamaha, les chances de Ducati augmentent, surtout avec un Marc Marquez forfait…
« La situation en MotoGP ne peut pas être comparée à celle de Moto3 à l’époque. Parce que la marque en difficulté est en tête du championnat du monde », souligne Ciabatti. « C’est pourquoi les autres fabricants veulent comprendre clairement à quoi ressemble la situation. C’est ce qui a été décidé. La fiabilité et la sécurité sont nos priorités numéro 1. Mais nous ne pouvons pas nous prononcer avant de comprendre ce qui se passe chez Yamaha. Nous attendons donc le moment ». Voilà qui promet de chaudes discussions, car le quitus pour ouvrir le moteur doit être obtenu à l’unanimité…