La recherche aérodynamique fait désormais partie intégrante du développement d’un prototype MotoGP. Pas seulement concernant les ailerons, qui en sont les éléments les plus visibles, mais parce que sur un terrain de jeu aussi compétitif, chaque petit détail devient un facteur déterminant. En effet, pour pouvoir doubler la vitesse, il faut multiplier par 8 la puissance du moteur !

Dans l’esprit de beaucoup de personnes, il faut plus de puissance pour aller plus vite, c’est pourquoi  les préparations mécaniques en tout genre ont le vent en poupe. La vitesse d’une moto dépend aussi de deux paramètres aérodynamiques qui sont sa surface frontale et son coefficient de résistance à l’avancement. La résistance à l’avancement due à l’air augmente avec le cube de la vitesse. Ainsi, sans travail sur l’aérodynamique, pour pouvoir doubler la vitesse, il faut multiplier par 8 la puissance du moteur !

Mais qu’est-ce que l’aérodynamique, exactement ? C’est est une branche de la dynamique qui s’intéresse à l’étude du mouvement de l’air lors de l’interaction avec un objet solide. Et elle a son importance, afin d’améliorer les performances des prototypes Moto3, Moto2 et MotoGP en course.

Le coefficient de traînée

La résistance totale à l’avancement d’un véhicule sur roues est l’addition de celles dues à la pression de l’air, au roulement des pneus, aux pertes dans la transmission, à l’accélération et à l’éventuelle pente de la chaussée. À partir d’une certaine vitesse constante, environ 100 km/h, c’est la résistance au vent qui est dominant.

En mécanique des fluides, la traînée est la force qui s’oppose au mouvement d’un corps dans un fluide. C’est elle qui entrave l’avancement d’une moto dans l’air et limite sa vitesse maximale. C’est pourquoi les ingénieurs  tentent de diminuer cette traînée qui absorbe la plus grande partie de la puissance appliquée pour atteindre une certaine vitesse et cause ainsi une augmentation de la charge du moteur – donc une consommation de carburant accrue et des performances limitées.

La résistance aérodynamique (SCx) à laquelle une moto est soumise se décompose en 2 parties : la zone frontale de la moto (le S, pour Surface) et ce qu’on appelle son coefficient de traînée (le Cx). Un objet tel qu’un missile aura un coefficient de traînée beaucoup plus faible qu’un objet massif comme un camion. Pour résumer cela, afin d’augmenter la vitesse de pointe d’une moto en travaillant sur l’aérodynamisme, les ingénieurs disposent de 2 choix : avoir une plus petite surface frontale et/ou réduire sa trainée.

 

Un prototype de moto en forme de goutte d’eau à l’essai en soufflerie

L’amélioration du coefficient de traînée consiste à maintenir la circulation de l’air fluide sur un objet. Un design en forme de goutte d’eau, qui est actuellement suivi par la majorité des fabricants de motos, est une forme assez idéale en raison de sa face avant lisse et arrondie avec une queue progressivement réduite. Avec cette conception, l’air est simplement poussé hors de son chemin lorsque la goutte se déplace. Il n’y a pas de zones de basse pression ou de tourbillons lesquels aspirent l’objet et augmentent la traînée.

La portance

La recherche en aérodynamique a d’abord porté sur la réduction de traînée, mais il est vite apparu que les forces verticales (portance ou déportance) sont également d’une importance majeure. En effet, l’aérodynamique détermine aussi la répartition de ces forces qui influent sur la stabilité directionnelle et le comportement d’une moto.

Autant en aéronautique, on se sert de la portance pour décoller et maintenir l’avion dans les airs, car le profil d’une aile d’avion génère une différence de pression entre ses deux faces (l’air a un trajet plus long sur la face supérieure que sur la face inférieure, donc une plus grande vitesse relative et une pression moindre), ce qui génère une portance.

 

La Ducati Superleggera V4 est également dotée de ces fameux winglets

 

Autant en sports mécaniques, on cherche à créer une portance négative, de façon a augmenter l’adhérence au sol. La portance est très importante et est une question de compromis : en effet, si elle est trop forte elle réduira la vitesse de la moto et si elle est trop faible elle réduira beaucoup trop l’adhérence a la route. Ainsi la portance est un composant important de l’aérodynamisme mais est plus difficile à modifier que la trainée.

C’est notamment pour cela que Ducati a introduit en 2015 les fameux winglets, repris depuis par tous les constructeurs. Ducati ne s’en cache pas, il s’agit de plus en plus de transposer les expériences beaucoup plus poussées de la F1 au MotoGP et, à en juger par les résultats que le constructeur est parvenu à obtenir, ce domaine mérite d’être analysé avec soin…

Tests en soufflerie

Les ingénieurs et designers ont de nombreuses idées en tête pour rendre plus rapides les automobiles, mais c’est plus compliqué en moto : le plus gros souci étant le pilote, perché sur sa moto, qui offre une grand résistance à l’air. Garder le flux d’air fluide autour d’un pilote, puis le rattacher derrière la moto tel une goutte d’eau est la partie la plus difficile.

Même si en F1, la tête du pilote dépasse du cockpit, le flux d’air est dévié avant de l’atteindre et son impact est plus négligeable. A l’avant de la moto, la roue, la fourche mais surtout le radiateur massif sont problématiques pour avoir un flux d’air le moins perturbé possible. Et du côté de l’arrière de la moto, la roue arrière, les sorties d’échappement, le bras oscillant et le dos du pilote génèrent une forme irrégulière, loin de la goutte d’eau idéale.

Comme dans toute phase de développement, une partie est réalisée sur ordinateur (la mécanique des fluides par ordinateur est appelée CFD), puis est ensuite testée sur bancs d’essais. Les ingénieurs simulent alors grâce au calcul de la dynamique des fluides ce qui sera ensuite expérimenté grandeur nature, en résolvant à l’aide de méthodes numériques très avancées les complexes équations qui gouvernent le champ de mouvement autour de la moto, le tout en tenant compte de la mobilité du pilote et de son propre impact sur cette dynamique.

 

 

Il n’y a pas que les MotoGP qui font des tests en soufflerie : ici l’équipe Forward en plein tests

 

Il est difficile de valider directement sur circuit l’impact des modifications aérodynamiques, et de visualiser les flux d’air. C’est pourquoi les constructeurs se lancent dans les tests en soufflerie pour les rendre beaucoup plus efficaces et rapides lorsqu’il s’agit de réduire ses niveaux de traînée.

Durant ces tests, on travaille sur la position du pilote, mais aussi sur la conception du garde-boue qui dévie l’air vers les côtés du carénage, ce qui adoucit l’impact aérodynamique des jambes du pilote, puis les larges sections de la coque arrière qui visent à rattacher le flux d’air turbulent à l’arrière de la moto.

L’équipe Paddock GP avait visité la soufflerie de l’Hepia, à Genève, l’article est à redécouvrir ici.

Mais il n’y a pas que la moto qui est développée en soufflerie : désormais, les casques le sont également. On se souvient notamment de la protubérance aérodynamique à l’arrière du casque de Jorge Lorenzo, en 2016. Le moindre détail compte, et ce casque avait pour but d’améliorer la vitesse de pointe du champion espagnol.

 

Le casque de Jorge Lorenzo avec son appendice aérodynamique

 

D’autres marques de casques se sont déjà penchées sur la question de l’aérodynamisme. C’est par exemple le cas d’AGV avec son modèle Pista, développé en partenariat avec Valentino Rossi.

En résumé

Autant l’aérodynamisme est un facteur important dans la conception d’une moto, mais le package aérodynamique le plus difficile à régler est le corps du pilote. Il est extrêmement important de travailler sur les positions de pilotage pour chercher à améliorer sa vitesse de pointe.

Plus le pilote est grand, plus il est difficile de le dissimuler derrière la bulle et le carénage (Loris Baz, avec ses 1.88m, ne dira pas le contraire), ce qui peut handicaper sa vitesse de pointe. Les pilotes de plus petite taille sont avantagés dans la position de recherche de vitesse.

 

 

Loris Baz qui essaie de se cacher derrière sa bulle en MotoGP en 2017