Comme cela lui arrive encore trop souvent, Darryn Binder est passé à côté de sa qualification lors du Grand Prix de Thaïlande.
Nous reviendrons sur les raisons de ses positions généralement décevantes sur la grille mais, quoi qu’il en soit, le pilote CIP-Green Power figurait en 22e position au terme de la première journée d’essais, puis obtenait la 25e place sur la grille de départ suite à une nouvelle pénalité.
Comme d’habitude, le Sud-Africain effectuait alors une splendide remontée qui le portait à la 6e position, dans la roue d’Arón Canet, avant de dépasser celui-ci. Le pilote de Max Biaggi, parvenait alors à se dédoubler mais subissait quelques virages plus tard une nouvelle attaque de Darryn Binder, avec un contact cette fois-ci, qui l’envoyait au tapis après avoir fait chuter John McPhee et Tatsuki Suzuki.
Un fait de course simplement sanctionné par un ride through, mais qui a perpétué la réputation de pilote agressif du numéro 40 et a déclenché de sévères critiques à son encontre.
Tatsuki Suzuki, à chaud, sur Sky Sport : « Au début, j’ai cru que c’était une erreur de McPhee, puis j’ai vu le replay et Binder est toujours le seul couillon, il n’en a rien à faire des autres. Ou nous faisons une course, où on essaie de tuer quelqu’un ? Nous faisons du sport, il doit y avoir du respect pour les autres. On ne peut pas envoyer les autres au tapis comme ça. Il ne suffit pas de se jeter dedans et d’espérer ne pas tomber. Cela, ce n’est pas de la course, c’est un couillon. »
Paolo Simoncelli réclame de façon générale des sanctions plus sévères : « Sans règles, nous sommes perdus. C’est pourquoi le Moto3 a besoin de règles plus strictes et plus sûres qui ne laissent aucune place au doute ou à la perplexité, et qui freinent les pilotes kamikazes. Lors du dernier Grand Prix, nous avons pu constater à quel point le travail d’une équipe peut être réduit à néant en quelques secondes. Tatsuki a vu s’effondrer avec sa moto la possibilité d’un podium, et personne ne redonnera à Canet la chance de remporter le Championnat du monde. Ce n’est pas un jeu et cela peut devenir dangereux. Je ne me lasserai pas de répéter qu’ils doivent avoir des peines plus sévères. »
Arón Canet est quelque peu moins virulent: « Il faut faire attention, c’est un pilote très agressif. Je suis quelqu’un qui freine très tard et Binder a fait la même chose en arrivant à cet endroit. De cette façon stupide, il a jeté trois pilotes à terre. Je ne lui ai pas parlé. Mais ce sont les courses Moto3, ce sont des choses qui peuvent arriver. C’est dommage. »
Darryn Binder a été sanctionné à cause du contact avec Arón Canet, et cela était justifié. Il est d’ailleurs allé s’excuser auprès des 3 pilotes concernés.
Mais essayons de comprendre pourquoi ce garçon, au demeurant fort sympathique et arborant une cool attitude de surfeur californien dans le paddock, devient une véritable terreur une fois au guidon de sa Moto3.
Nous ne rentrerons pas vraiment dans le débat KTM/Honda car certains pilotes de la marque autrichienne se débrouillent fort bien, même s’ils sont généralement d’un gabarit moins imposant que celui de Darryn Binder. D’ailleurs, son cinquième meilleur temps réalisé en course en Thaïlande montre bien qu’il fait partie des meilleurs, même sur sa KTM qui concède 7 km/h aux meilleurs !
Mais, à nos yeux, le facteur le plus important est sans doute le style de pilotage du jeune homme de 21 ans…
Darryn Binder est sans nul doute le pilote Moto3 actuel qui freine le plus fort. Avec les vues d’hélicoptère, cela est particulièrement flagrant et lui permet de récupérer très souvent quelques places en bout de ligne droite. C’est un véritable avantage en course car les pilotes qu’il a doublé, qui freinent plus tôt et ont généralement une meilleure vitesse de passage en courbe, ne peuvent pas exploiter cette dernière et restent bloqués derrière le Sud-Africain.
Cela explique à la fois les splendides remontées en course de ce dernier, mais aussi ses modestes performances en qualification, là où vitesse de passage, accélération et aspiration sont les facteurs clés qui font souvent défaut au pilote KTM.
Darryn Binder a incontestablement du talent et n’a pas froid aux yeux, mais son pilotage est encore très typé « freinage de trappeur ». S’il pouvait au moins un peu le modifier durant la qualification, il est vraisemblable qu’on le verrait alors se bagarrer en tête dès les premiers tours, lui évitant ainsi des remontées qui, aussi belles soient-elles, comportent toujours des risques et usent prématurément les pneus.
Entre son frère Brad qui fera son arrivée en MotoGP l’année prochaine et son team manager Alain Bronec, le pilote est bien entouré, et nous continuerons donc à l’observer pour déceler ce déclic souhaité…