Arrivée à Suzuka en tête du classement provisoire avec 5 points d’avance sur le SERT, et 23 sur F.C.C. TSR Honda France, Champion du Monde en titre, le Team SRC Kawasaki France, l’équipe de Gilles Stafler, a obtenu son premier titre mondial au terme d’une course au suspens incroyable, avec Jérémy Guarnoni, Erwan Nigon et David Checa.
Gilles, quand as-tu su avec certitude que tu irais aux 8H de Suzuka, et de combien de temps as-tu disposé pour te préparer ?
« Je l’ai su une semaine après la course d’Oschersleben (Ndlr : qui a eu lieu le 9 juin). Personne n’avait prévu le renversement de situation qui a eu lieu en Allemagne, où nous sommes arrivés avec 10 points de retard et repartis avec 5 d’avance. Ça n’avait pas été prévu du tout de m’envoyer à Suzuka ».
Ça t’a donc laissé peu de temps pour la préparation des 8 Heures ?
« Très peu de temps car le 11 juillet l’affréteur est venu récupérer tout le matériel pour l’envoyer à Suzuka. On n’avait pas de moteur… Rien n’avait été anticipé, donc c’est vrai qu’on a couru un peu après le temps ».
« Mais ce qui a surtout été dommage, c’est qu’on n’ait pas pu faire les trois jours de tests qui ont eu lieu au début du mois (Ndlr : du 9 au 11 juillet). Nous avons en effet une nouvelle moto par rapport à 2016 quand nous y sommes allés la dernière fois. Heureusement que nous avons eu la première journée de test complète le mercredi parce qu’on avait trois jours de retard sur les autres ».
Qui a complété le budget pour vous permettre de partir ? Kawasaki France ? Kawasaki Japon ? Eurosport Events ? Les organisateurs des 8H ? Pirelli ?
« Je ne suis pas au courant des détails financiers, mais je pense que la plus grosse part a été payée par Kawasaki France, et j’en remercie Patrick Marchal, son Directeur général. C’est lui qui porte l’endurance à bout de bras depuis quelques années, parce que l’endurance chez Kawasaki n’est pas un programme officiel ».
« A partir du moment où ce n’est pas un programme officiel, l’usine ne donne pas de budget. J’espère qu’avec l’obtention du titre, Kawasaki Europe va lui donner un petit coup de main, mais je ne sais pas exactement qui paie quoi.
« Tout le monde a mis la pression. Dans ce domaine, je voudrais remercier François Ribeiro, responsable d’Eurosport Events (organisateur du Championnat du Monde) car il a mis une pression énorme pour qu’on puisse aller essayer de conquérir le titre là-bas. Je pense que sans cette pression, on n’y serait pas allés ».
Ton Team SRC Kawasaki France prenait le départ à la 14e place et le Suzuki Endurance Racing Team partait en 17e position ? Quelle était ta stratégie pour la course ?
« Au départ, ma stratégie était de me caler sur celle de Dominique (Méliand, SERT), c’est-à-dire que d’après mes calculs, s’il terminait cinquième, il ne fallait pas que je termine plus de trois places derrière lui. La course ensuite a été compliquée, mais je suis resté calqué sur la Suzuki n°2. Après, je n’ai jamais exclu la n°1 (F.C.C. TSR Honda France) de mes calculs. Mais pour que la n°1 me mette en délicatesse, il aurait fallu qu’elle gagne les 8 Heures de Suzuka, ce qui m’aurait imposé absolument de terminer au pire en sixième position. Ensuite, l’écart de points étant important entre le premier et le deuxième, si eux finissaient deuxièmes, il me fallait au maximum terminer douzième pour avoir toujours un demi-point d’avance sur eux. Les autres étaient trop loin ».
Erwan Nigon chutait en début de course, mais repartait rapidement. Toutefois, vous pointiez 29e à la fin de la première heure. Pensais-tu alors que le titre était perdu ?
« Avec mon expérience de l’endurance, je dirais que ce n’est jamais perdu. C’est pour cela qu’il ne faut jamais rien lâcher. Mais c’est vrai que cette chute nous a mis dans une position très délicate ».
Quand la Suzuki a cassé son moteur à 10 minutes de l’arrivée, vous vous êtes retrouvés virtuellement Champions du Monde. Pourtant personne à ce moment-là n’a sauté de joie dans votre stand. Vous sembliez encore plus tendus et inquiets. Comment s’est passée la fin de course ?
« C’est vrai que la fin de course a été très tendue parce que quand la Suzuki n°2 a cassé son moteur, malheureusement Étienne Masson est quand même resté sur la piste. Donc on savait qu’il y avait de l’huile partout. Et ce qui est arrivé à Jonathan Rea, j’avais peur que ça nous arrive à nous ».
« Instantanément, on a prévenu David (Checa) par l’intermédiaire du panneau de signalisation que la Suzuki n°2 était « out ». Mais ensuite en-dessous, en gros, on lui a affiché « OIL ». Donc il savait ainsi qu’il y avait de l’huile sur la piste. Il m’a d’ailleurs dit à l’arrivée « heureusement que tu m’as mis le panneau parce qu’en fait on ne voyait pas l’huile. Celle-ci était sur la trajectoire et je pense que si tu ne m’avais pas prévenu, quand Johnny est tombé, je serais tombé derrière » ».
« C’est pour cela que tout le monde restait hyper concentré. En fait, ce qui est arrivé à la 10 aurait pu arriver à la 11 ».
La prochaine saison commence le 19 septembre prochain avec le Bol d’Or. As-tu la certitude cette fois de participer à l’ensemble du Championnat du Monde ?
« Au jour d’aujourd’hui, absolument pas. On m’a demandé de ne pas m’inscrire en tant que team permanent pour l’instant. Je suis engagé au Bol d’Or, ça c’est sûr car ça fait partie du contrat entre SRC et Kawasaki France, et je suis en année calendaire ».
« Il est vrai qu’il y a eu une grosse dépense supplémentaire au niveau du budget pour Suzuka, et comme la Malaisie (Ndlr : les 8 Heures de Sepang, le 15 décembre prochain) est dans le même exercice fiscal, ça reste compliqué ».
« Mais j’ai quand même bon espoir qu’avec le n°1, on me fasse faire l’intégralité du Championnat du Monde la saison prochaine ».
Oui, ça serait quand même la moindre des choses !
« Ce n’est pas évident ».
Photos © Kawasaki et Good-shoot David Reygondeau