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Pour les plus âgés d’entre nous, Jacques Roca est un patronyme indissociablement lié à l’ancien pilote 7 fois champion de France qui a produit des kits pour améliorer les Suzuki, qu’il s’agisse d’ensembles selle-réservoir en polyester ou de pièces performance. « Maître Jacques », comme on l’appelait avec respect, un atypique champion de cyclisme passé avec succès à la moto, dont vous pouvez trouver un résumé de sa carrière sur le site Bike70.

De gauche à droite, Angel Nieto (3), Jan Tennis Huberts (1), Jacques Roca (4), Francesc Tombas et Josep Maria Busquets (2), Derbi team, Grand Prix d’Espagne 1964 50 cc

Mais aujourd’hui, Jacques Roca est également le nom d’un technicien du team Suzuki Ecstar qui officie en MotoGP, son fils…  Comment, dans ces conditions, ne pas vouloir en savoir plus sur son parcours qui était pourtant loin d’être écrit d’avance ?

Après avoir œuvré pendant 2 ans avec Andrea Iannone, Jacques Roca est aujourd’hui à l’aube d’une nouvelle aventure, avec le prometteur rookie Joan Mir.

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Te voilà donc en championnat du monde avec Jorge Lorenzo en 125cc. On imagine que la suite était toute tracée…

« A cette époque, on avait droit à 2 motos par pilote, la deuxième étant un peu la moto de rechange. Je me dépêchais de faire mon boulot sur la première moto pour aller ensuite travailler sur la 2e. Donc je m’occupais des pneus, je nettoyais le radiateur ou nettoyais le pot d’échappement sur la première, pour aller faire des choses qui m’intéressaient plus sur la deuxième, comme par exemple changer un piston. Les mécanos ont tout de suite vu que j’aimais bien ça et ils me laissaient faire.

En 2004, Gigi Dall’Igna est arrivé et, au final, il a remplacé Olivier Liégeois. C’était le grand patron. À la fin de l’année, Dani Amatriain a mis Lorenzo dans son team de 250cc et les mécanos sont partis un peu partout. Du coup, le team se défaisait et j’ai eu un entretien avec Gigi. Il m’a demandé ce que j’allais faire la saison suivante et je lui ai répondu qu’on m’avait proposé une place d’aide-mécano dans le team Lotus en 250. Il m’a alors dit : « sache que ça, c’est juste un team. Ici, c’est une usine. Là-bas, tu ne connais pas l’avenir, mais ici, tu auras du boulot pour beaucoup d’années ». Moi, tout jeune et prétentieux, je lui ai répondu que je voulais être mécano, et plus aide-mécano. Il a accepté sans problème.

Donc en 2005, j’ai fait mécano pour Pablo Nieto, et comme j’étais le seul de l’équipe à être resté, j’étais le seul à savoir comment on travaillait sur la Derbi (ndlr : les Aprilia étaient différentes) ou comment on chargeait le camion. Du coup, en une année, j’ai eu pas mal de responsabilités. En fin d’année, l’équipe Derbi a sorti la RSA à valve rotative centrale, avec Jan Thiel et Gigi Dall’Igna, et on a fait la dernière course à Valence avec. Mon père, qui vivait encore, était fier que je sois arrivé là sans son aide…

En 2006, comme le groupe Piaggio avait racheté Aprilia et Derbi, et que moi, à la base, j’étais mécanicien Derbi, Gigi me bougeait comme il voulait dans les différents teams officiels du groupe Piaggio. Là, j’étais chez Gilera avec Rossano Brazzi comme directeur technique et Simone Corsi comme pilote. Mais comme celui-ci redescendait de la 250 et n’était pas vraiment dans le coup, on a eu droit à une simple RSV. J’ai appris à bosser dessus.

En 2007, j’étais avec Nico Térol et une Derbi qui n’était en fait qu’une Aprilia RSV.

En 2008, c’est la première fois où j’ai travaillé avec Aleix Espargaró, en 250 cc. Je l’avais connu en championnat d’Espagne 125cc et, à l’époque, c’était un petit gamin qui faisait des conneries tous les 4 matins. La 250, c’était vraiment une belle mécanique : tu changeais ton piston tous les jours, tu faisais ton vilebrequin toutes les 2 courses. C’était de la vraie mécanique et tu finissais tard le soir. Aujourd’hui, avec le 4 temps, c’est différent et beaucoup plus facile. Cette année a également été importante pour la suite, au niveau de ma complicité avec Aleix. C’est là que j’ai vraiment commencé à comprendre comment il fonctionnait.

En 2009, je suis repassé en 125cc avec Efrén Vázquez sur une Derbi RSA et j’ai continué en 2010 avec Pol Espargaró. C’était une belle année car on s’est battu avec Marc Márquez pour le championnat.

En 2011, je suis retourné comme premier mécano avec Aleix Espargaró qui roulait chez Pons Racing en Moto2. On n’a pas fait grand-chose car le niveau était assez élevé et lui venait d’une année difficile avec des passages en MotoGP chez Pramac mais aussi des périodes sans rouler puisque le team Amatriain avait fermé à la dernière minute.

En 2012, il me demande d’aller avec lui chez Aspar mais le projet était assez flou. Comme je n’étais plus sous contrat avec Derbi, j’ai préféré rester chez Pons avec Pol Espargaró.

En 2012, on continue à se battre avec Marc Márquez et on gagne le championnat du monde Moto2 en 2013.

Comme d’habitude, Aleix était toujours dans le box et me demandait d’aller avec lui l’année prochaine car il avait un très bon projet.

Il me l’a expliqué et m’a donc emmené avec lui en MotoGP chez Forward avec la Yamaha Open en 2014. On a fait des supers résultats malgré la partie cycle qui était du rafistolage. On passait nos journées à limer ou découper. Il fallait être un vrai mécanicien car malgré tout ça, on n’a pas connu de panne.

Mais ce n’était qu’un point d’entrée en MotoGP, car dès 2013 il avait décidé d’aller chez Suzuki. Il m’avait promis de m’emmener avec lui et il l’a fait. Chez Suzuki ! Qui était la marque dans laquelle j’avais baigné depuis mon enfance !
Quand j’ai eu mon entretien avec Suzuki, c’était très émouvant… ».

Évidemment, tu pensais à ton père…

« Bien sûr, il était décédé depuis 2007, mais il aurait été fier de moi. Ça m’aurait fait plaisir qu’il voit ça, car j’ai commencé par Derbi et je suis maintenant chez Suzuki, et lui avait fait la même chose ».

Chez Suzuki, Tu as commencé par quoi ?

« J’ai commencé avec l’équipe test. Il n’y avait que 2 mécaniciens avec Tom O’Kane, plus un mécanicien japonais. On a fait des bons résultats, tout comme Maverick Viñales qui a très bien progressé. L’année d’après, on a peiné un peu avec les carcasses Michelin. On a fini par trouver des réglages mais ils n’ont pas gardé Aleix car les contrats se sont signés en début d’année, au moment où il peinait. Par contre, Aleix a été super correct car quand il a signé chez Aprilia, il m’a pris à part et m’a expliqué qu’il ne me demandait pas de le suivre, puisqu’il considérait Suzuki comme une meilleure équipe qu’Aprilia. Il ne voulait pas être égoïste et pensait d’abord à moi. Je l’ai vraiment remercié car c’est grâce à lui si aujourd’hui je suis en MotoGP ».

Puis Andrea Iannone est arrivé…

« Oui. En 2017, j’ai été officialisé chef mécano pour son arrivée car, en pratique, c’était déjà moi qui organisait pas mal de choses. Peut-être que l’âge a aussi joué, car j’étais le plus jeune et le plus dynamique ».

Après 2017 qui a été un peu laborieuse, 2018 vous a mis du baume au cœur…

« Oui. Avec Viñales, Suzuki avait réussi à faire de très bons résultats. Ensuite, on s’est retrouvé avec deux pilotes qui ne connaissaient pas la moto, dont un rookie et Iannone qui venait d’une moto totalement différente. On a commencé à se perdre, et on s’est perdu, soit avec des choses qu’il nous a dites, soit avec des choses qu’on a pensé. La responsabilité était partagée, et pendant ce temps-là Rins s’était fait mal et le test Team s’est également perdu. On est tous partis dans une mauvaise direction et on a eu du mal à revenir sur la bonne ligne. En fin d’année 2017, on a recommencé à faire des bons résultats, des Top 5. Et en 2018, avec toute l’expérience de ce qu’il ne faut pas faire, on a réussi à faire une moto qui marche. Elle manquait un peu de vitesse de pointe mais elle était maniable, et de leur côté, les pilotes ont commencé à bien la comprendre ».

Ici se termine cette première interview qui retrace une belle histoire dont la suite est encore à écrire, cette fois aux côtés de Joan Mir. Nous ne manquerons pas de la reporter, en remerciant grandement Jacques Roca pour le temps qu’il nous a accordé.

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