Alors que nous en sommes désormais à la mi-saison, Johann Zarco est sixième du Championnat avec 84 points, soit 13 de mieux que le deuxième rookie Jonas Folger. Quel est le bilan d’ensemble de ces neuf premiers Grands Prix pour Laurent, l’ami et le mentor de Johann ?
« Le bilan d’ensemble est très positif parce que c’est quand même la première année en MotoGP. Johann a fait un podium et de belles courses. Il a montré qu’il était là, donc ce n’est que du bonheur.
En Allemagne, la remontée de Johann a été d’autant plus difficile que la plupart des pilotes tournaient dans des chronos très voisins. Le quatrième meilleur temps en course de Maverick Vinales a été réalisé en 1’21.903 et le treizième de Valentino Rossi en 1’22.091, avec le onzième de Zarco intercalé en 1’22.065. Comment Johann a-t-il pu remonter de la dix-neuvième place à la dixième dans ces circonstances ?
« Johann avait prévu de remonter comme ça, et avec Guy Coulon il ont fait le bon choix de pneus. Il pilote très bien, est très motivé, et il a donc fait cette belle remontée. Les temps des Yamaha étaient serrés et réguliers, mais ce n’était pas le cas pour tous les autres. Jorge Lorenzo a dégringolé, et Danilo Petrucci, troisième temps des qualifications, s’est retrouvé à la cave. Dans l’ensemble, ce sont surtout les Yamaha qui ont bien roulé.
Les motos d’usine évoluent en cours de saison, mais pas la Yamaha de Johann qui est une ex-usine 2016, donc figée. N’est-ce pas un avantage sur certains circuits que de ne pas avoir à se lancer dans un compliqué programme de test de nouveaux équipements, ainsi que de disposer des données de l’année précédente ?
« Les deux rookies de l’année, Johann et Folger, font de belles courses avec la matériel qu’ils ont. Là, tu rentres trop dans la technique. Ce qui est important d’abord, c’est l’envie de bien faire. Il y a d’autres pilotes qui ont envie, mais ils rentrent trop dans la technique. On ne dirait plus de la moto, mais de la F1. La gomme, ceci, cela, ça me soûle parce qu’on oublie le pilote.
« C’est le pilote qui fait la différence sur la moto. La motivation compte, comme on le voit avec les deux rookies qui sont là pratiquement à chaque Grand Prix. La Yamaha est bonne, et Yamaha fait de petites évolutions chaque année, pas des grosses. Si on rentre dans le système « je n’ai pas la moto de 2018 donc je ne vais pas y arriver », là dans le cerveau tu te bloques.
« Déjà la Yamaha est une très bonne moto, après il faut l’envie et le résultat vient tout seul parce que tu as une très bonne équipe comme Tech 3. Après, il est sûr que si tu joues le Championnat et que tu vas chercher le dernier millième, je comprends, mais à la base la Yamaha est bonne.
« Nous on a le châssis dont disposait un grand pilote l’année dernière, qui gagnait des Grands Prix avec 10 secondes d’avance quand il était en forme. On est dans un système où les pneus, la technique, ça bouffe le cerveau. Zarco et Folger sont sur une moto qu’ils adorent et ils font de bons résultats. Ce sont les plus passionnés de tout le paddock. Tech 3 est une bonne équipe, mais avec les mêmes motos les pilotes qu’ils avaient l’année dernière obtenaient des résultats différents. Donc l’homme fait une grande différence.
« Après, quand Valentino, Marquez ou Dovizioso jouent le titre, on leur propose de petites améliorations, mais l’homme fait beaucoup. Sa volonté d’obtenir un bon résultat est déterminante. L’homme y est pour beaucoup, heureusement.
Le choix des pneus pour la course est cette année assez compliqué en fonction des nombreuses propositions disponibles. Le style souple de Johann, moins brutal que celui de certains, lui facilite-t-il ce choix ?
« Oui, mais après c’est le feeling, la personne, la découverte de la moto. Connaître ta moto à 100% est une sécurité. Il est sûr que Johann a un pilotage très précis et coulé. C’est un métronome. Il a certaines sensations que d’autres n’ont pas, qui sont plus agressifs que lui. Folger a aussi des capacités, regarde bien. A Barcelone, Folger n’était pas agressif, Johann l’était. Johann a compris le dimanche. Il a rejoint Folger et l’a doublé. Il faut faire attention à tout ça.
« Je crois que la solution c’est ça. Si tu commences à ouvrir les tiroirs et à regarder ce qu’ont les autres, tu ne t’en sors pas. Fait avec ce que tu as. N’oublie pas que tu as une Yamaha et une équipe Tech 3 qui sont fabuleuses. Tu n’as pas à te poser de questions. Presque tu roules avec des pneus à tétines ! Je dis ça pour rigoler mais tu as des conditions de travail qui font que tu dois choisir tes pneus en fonction de la piste et du grip, mais il n’y a pas une montagne. C’est l’homme qui fait la différence. Mais je pense que la Yam est la meilleure moto du plateau. Et ça a toujours été comme ça. La 2016 ou pas, on s’en fout, ils sont encore devant.
« La première Yamaha au GP d’Allemagne, c’est Folger. La pole position à Assen, c’est Johann. Au Grand Prix de France, Johann était devant les deux Yamaha officielles. L’homme fait la différence. Les autres ont peut-être des petits détails différents, mais les petits détails il ne faut pas y penser quand tu roules. Ce n’est pas ça qui fait la différence.
Si Valentino Rossi ou Maverick Vinales joue le titre lors des derniers Grands Prix, Johann sera-t-il sollicité pour l’aider ?
« C’est une question qu’il faut poser à Hervé Poncharal. Et puis si Vinales est en pole et que Johann a fait le neuvième temps, il va l’aider comment ?
Je pensais plutôt à l’hypothèse inverse. S’il est devant, faudra-t-il qu’il le laisse passer ?
« Il faut poser la question à Hervé. C’est lui le boss.
Parmi les 9 circuits qui restent pour cette saison, quels pourraient être les plus favorables à Johann ?
« Brno, Silverstone, Motegi et Sepang.
Pourquoi ?
« Par rapport à son style de pilotage. »
Photos © Tech 3