Piloter une MotoGP n’est déjà pas facile. Le faire avec un doigt cassé, source de douleur intense, l’est encore moins. Et remonter neuf places dans ces conditions, terminer cinquième (et premier pilote Yamaha) est tout simplement phénoménal. C’est l’exploit qu’a réussi Johann Zarco dimanche dernier à Barcelone, sous les yeux de son ami et manager Laurent Fellon.
D’abord comment va Johann ? Avec sa fracture à l’annulaire gauche il est passé dimanche de la quatorzième place sur la grille à la cinquième sur la ligne d’arrivée, puis a réalisé le cinquième temps des tests le lendemain. Comment se présentent les prochains GP des Pays-Bas et d’Allemagne ?
« Je pense que sa fracture ne lui a pas posé de problème pour faire la course. C’était délicat parce qu’il s’agissait d’un endroit embêtant. Il faut attendre que ça se remette en place. Il a été voir des docteurs, des gens compétents. Ce n’est pas grave, pour le moment tout va bien. Sa Yam aux Pays-Bas en principe est très bonne. Donc tout va bien.
Après les sept premiers Grands Prix, quel est ton bilan ?
« Le bilan est positif. On a une bonne équipe avec Tech 3 et une bonne moto avec la Yamaha. On a avec Johann un bon pilote qui continue à grandir. On a décidé de continuer ensemble avec Tech 3 pour l’année prochaine afin de pouvoir voir sur le long terme.
Johann est sixième au Championnat, à 13 points de Marc Marquez et 8 de Valentino Rossi. Il précède Jorge Lorenzo de 16 points. Jouer dans la cour des grands dès le début de sa saison rookie en MotoGP, c’est inespéré ou normal ?
« Le Français, il lui faut un gros 4 x 4. Une petite voiture, ce n’est pas bien, il lui faut un gros 4 x 4. Donc Johann Zarco que certains découvrent maintenant, moi je sais depuis longtemps qu’il est bon. Il a été bon en 125 et en Moto2, il a mis du temps à y arriver, comme tout un chacun, et maintenant avec tout son travail et toute son expérience depuis des années, il était logique d’en arriver là en mettant Johann sur une Yamaha chez Tech 3.
« Comme je l’ai dit à Hervé (Poncharal), depuis notre arrivée en GP 125, si on arrivait un jour en MotoGP, notre but était que ce soit sur une Yamaha chez Tech 3. Les Yamaha sont des bonnes motos. Depuis que la course existe, les Yamaha ont toujours eu de très bons châssis. Regarde, quand Olivier Jacque a eu le titre en deux-et-demi, il avait un châssis impressionnant.
« En MotoGP, c’est une moto qui permet à un rookie d’être bien de suite. Regarde Folger, ce qu’il fait c’est bien aussi. En Moto2 il n’était pas toujours là, alors qu’en MotoGP Johann est là, et lui aussi. L’équipe est bonne, tout va bien, que du bonheur. C’est logique. Tant que Johann est en confiance, Johann Zarco est Johann Zarco.
« Après, il y a la vie à côté, mais Johann Zarco a toujours été pas mauvais, donc très bon. Mais le Français s’extasie maintenant « Johann Zarco ! MotoGP ! » Et alors ? Johann Zarco en 125, il n’était pas bon ? En Moto2, il n’était pas bon ? Ça me déçoit un peu des Français parce qu’en Espagne un pilote est bon quelle que soit sa catégorie. Chez nous il est bon en MotoGP, c’est un miracle !
« C’est ça que je voudrais changer. S’il y en a un qui arrive plus tard et qui est bon en petite cylindrée, il faut le soutenir. Johann est bon en MotoGP, et ça devient soudain « Oh, mais il est bon ».
Quel est le principal avantage de la Yamaha pour un débutant dans la catégorie, est-ce un bon équilibre général ou d’être compétitive sur l’ensemble des circuits ?
« Je pense que cette moto est homogène, parfaite et bien sur tous les circuits.
Votre objectif en début d’année était de terminer premier rookie. Le seul vrai adversaire actuel de Johann, son coéquipier Jonas Folger, a toujours terminé derrière lui cette année, même si ça n’a pas été de beaucoup à Barcelone. Revoyez-vous votre objectif à la hausse ?
« Non. Le but est d’être premier rookie. Si on veut être prétentieux, ce n’est pas bon. Soyons déjà premier rookie. Si on annonce viser des résultats extraordinaires, on ne va pas y arriver. Je pense que Johann a la capacité de terminer premier rookie. Après bien sûr il va passer des caps, mais gardons maintenant les pieds sur terre.
Les bons résultats de Johann sont importants pour Yamaha, car c’est lui qui a marqué les points au classement constructeurs à Jerez et Barcelone. Il a gagné en 2015 en Moto2 à Assen (avec la pole position) et fini deuxième l’an dernier. Quel est votre objectif pour cette année aux Pays-Bas ?
« Moi je suis modeste, parce que c’est tellement délicat que si Johann finit premier rookie et dans les six premiers, je serai content. C’est un circuit où la météo est changeante. Le choix des pneus est parfois difficile, il pleut, il ne pleut plus, il fait sec, il recommence à pleuvoir, c’est un peu étrange. Déjà, qu’il marque des points dans les six premiers et je serai très heureux. Il peut se passer quelque chose de très bien, mais il faut rester les pieds sur terre. Il pleut, ça sèche, Assen est très délicat. Et puis il y a le dernier virage…
Est-ce que ça peut être un avantage pour Johann s’il pleut à Assen, dans la mesure où il aurait moins à forcer sur sa main blessée ?
« S’il pleut à Assen, ce sera un grand avantage pour Johann. Il a un pilotage très coulé et est très fort sous la pluie. Il peut faire une belle course dans ces conditions météo.
Il va y avoir un très long break, entre le GP d’Allemagne le 2 juillet et celui de Brno le 6 août. Comment allez-vous l’employer avec Johann ?
« Je pense que Johann va prendre des vacances, mais en continuant à s’entraîner avec sa moto. Avec l’Ecole ZF Grand Prix, ce dimanche on sera à Ganges*, puis le week-end suivant à Navarra avec un autre pilote. Et il y a un pilote de l’Ecole qui en ce moment gagne en Promosport 400, est en tête du Championnat et peut remporter le titre.
*Kartix Park – Les Peras des Caizergues – 34190 Brissac
« On n’arrête pas. On n’a jamais trop de repos, mais c’est du plaisir. La course moto, c’est du plaisir. Il y en a d’autres qui vont à l’usine. »
Photos © Tech 3
