Quand le premier GP eut lieu au Mugello en 1976, le Continental Circus fréquentait certains circuits magnifiques par le tracé ou l’environnement, comme le Nürburgring, Imatra, Spa, l’Ile de Man et le Salzburgring, mais où la sécurité n’avait manifestement pas été une priorité pour leur concepteur. Quelle ne fut donc pas la surprise des pilotes en découvrant le superbe tracé du Mugello, qui épousait et mettait en valeur les bellissimes collines toscanes environnantes.
L’essentiel du plateau 500 se composait alors de Suzuki avec celle de Barry Sheene en pointe, face à la Yamaha de Johnny Cecotto et la MV Agusta de Giacomo Agostini, qui remportera lors du dernier GP de l’année au Nürburgring son dernier Grand Prix personnel et celui de MV. Les 500 Suzuki équipaient également l’élite des privés dont Marco Lucchinelli, Phil Read, Michel Rougerie, Virginio Ferrari et Tepi Lansivuori.
La première édition de la course du Mugello fut sublime, Barry Sheene et Phil Read luttant comme des fous et franchissant exactement côte à côte la ligne d’arrivée du « Grand Prix des Nations ». Il n’y avait évidemment à l’époque aucun des gadgets électroniques qui vous mesurent une arrivée au millième près, et la vidéo ou photo-finish était remplacée par un chronométreur plein de bonne volonté, mais peut-être légèrement moins précis. Sheene fut déclaré vainqueur, avec l’attribution forfaitaire d’un écart de 0.100 sur Read sur la ligne d’arrivée. Read n’a jamais admis qu’il avait fini deuxième et a toujours protesté énergiquement qu’il s’était fait honteusement déposséder de sa victoire. Ce qui a longtemps fait sourire Barry.
La première course qui fut organisée au Mugello eut lieu en 1914 sur une route de terre, avec un parcours de 66 km qui partait de Scarperia pour passer par Firenzuola, le Col de Futa, San Piero, avec l’arrivée à Scarperia. Puis les courses sur route, et en particulier les « Mille Miglia » disparurent en Italie. Il y eut bien quelques épreuves historiques sur les chemins poussiéreux, mais la modernité s’installa sérieusement avec un tracé professionnel bitumé de 5 245 m, caractérisé par une amplitude d’altitude de 41,19 m. Sa ligne droite (qui n’est en fait pas vraiment droite) est une des plus longues de toutes celles utilisées en GP avec 1141 m, à comparer aux 1 200 d’Austin, 1 068 de Losail, 1 076 de Termas de Rio Hondo et 1 047 de Barcelone. Andrea Iannone y a atteint 354,4 km/h l’année dernière avec sa Ducati.
Le circuit a été construit en 1973, inauguré l’année d’après, puis acheté par Ferrari ensuite pour y essayer ses GT et ses F1. Il n’y a jamais eu de GP de F1 au Mugello, même si le circuit pourrait en organiser un grâce à sa licence FIA 1er niveau.
Quand le premier Grand Prix moto y eut lieu en 1976, l’ambiance en Italie était la même qu’actuellement, avec une passion illimitée pour tout ce qui prend des tours : « Donne e motori, gioie e dolori » (femmes et moteurs, joies et douleurs). Ainsi une fois en hiver Thierry Tchernine (125 Maïco + 250 Yamaha) et Gérard Debrock (500 Linto) partirent-ils faire une course à Rimini, sur le bord de mer. Ils trouvèrent à se loger dans un hôtel-pension de famille, et préparèrent leurs motos dans le garage en sous-sol. Le soir de la veille des premiers essais, les motos étaient prêtes, mais encore fallait-il les démarrer pour voir si elles fonctionnaient correctement. En échappement libre, dans un parking souterrain vide en béton, l’abondance de décibels était garantie. Mais on était en février, il n’y avait pas beaucoup de clients dans l’hôtel, et de toute façon le temps que le patron ou la patronne arrive en hurlant, il fut calculé que les moteurs auraient été largement assez chauds pour leur faire prendre des tours et vérifier leur fonctionnement.
Le patron devait être un genre de Usain Bolt de la descente d’escalier, car, à peine les moteurs démarrés, en un éclair il fut dans le garage. Il s’arrêta tranquille et regarda les motos chauffer, les mains dans les poches. Puis il s’approcha d’un rideau de fer, le releva, et apparut alors une Alfa Romeo GTA avec un numéro sur la portière, un arceau et de vrais pneus. Il en ouvrit la porte, s’installa aux commandes, démarra le moteur et commença à donner de grands coups de gaz en regardant nos deux pilotes français.
Les trois avaient le sourire jusqu’aux oreilles.
Photos © Mugello Circuit S.p.A.