Lorsque l’on interviewe quelqu’un que l’on connaît un peu, le ton, les silences et les phrases arrêtées en disent parfois un peu plus que les simples mots. Et c’est l’impression que nous avons eu, ce soir, en conversant avec Hervé Poncharal de retour à son hôtel: il nous a semblé que le patron du team Tech3, bien que sans doute un peu fatigué par les émotions, était vraiment très très heureux de cette seconde journée lors de laquelle Johann Zarco a particulièrement brillé, en gardant des propos volontairement mesurés, d’une part par souci de modestie et d’autre part à la lumière de son expérience qui ne lui fait pas vendre la peau de l’ours…
Ce ne sont que nos impressions et voici le compte-rendu de cette seconde journée qu’il a eu la gentillesse de bien vouloir nous partager.
Hervé Poncharal : « Je viens
d’arriver à l’hôtel et il y a une averse. Cela ne veut pas dire
qu’il a plu sur le circuit car nous sommes assez éloignés et les
averses sont très localisées. On verra bien demain matin…
Aujourd’hui, tout le monde a attendu que la piste sèche ce matin et
Uncini et Capirossi ont beaucoup constaté et étudié la piste. Comme
vous l’avez écrit, ils vont faire des tests et si jamais les choses
n’évoluent pas vraiment favorablement, il faudra faire une nouvelle
surface.
Cela ne nous a pas empêché, comme à tout le monde, de faire une
bonne journée d’autant que, bien souvent, quand il y a moins de
temps disponible, les gens sont davantage concentrés. Bien entendu,
on n’aime pas se tourner les pouces le matin, mais ça a malgré tout
été une bonne journée.
Vous savez que je n’aime pas bomber le torse, mais ce qu’a fait
Johann aujourd’hui, c’est quelque chose de vraiment grand, parce
que à vingt minutes de la fin, il avait le deuxième temps, et quand
il a eu fini ce qu’il avait à faire, il a dit « on boucle, on
ferme ». Et on a fermé le box.
Il fallait avoir la force de caractère de le faire car
aujourd’hui, tous les cadors se sont mis la pression et le dernier
quart a ressemblé à une séance de qualification, que ce soit les
Iannone, et même Rossi qui a tourné, tourné tourné, en s’arrêtant
et en repartant sans cesse, ce qui a dû lui coûter pas ml de son
allocation de pneus. Ils voulaient tous être mieux placés, et
surtout, ils étaient tous un peu surpris de la performance de
Johann. Donc, au final, c’est plutôt lui qui a eu l’attitude de
vieux briscard.
En premier, c’est Vinales qui a amélioré, puis Iannone qui, lui, a
fait un tour de lancement, un tour chrono et est rentré en secouant
la tête; on voyait vraiment qu’il était en mode « un tour en
apnée pour une qualif ». Ceci-dit, les temps qu’ils ont faits,
ils les ont faits. Mais je pense que c’était vraiment
impressionnant l’état d’esprit qu’avait Johann aujourd’hui et ce
qu’il a fait. Il aurait très bien pu demander un pneu sur les dix
dernières minutes, et je pense qu’il aurait amélioré. Il y a la
possibilité, pas de faire le temps de Iannone, mais peut-être de
gagner une ou deux places. Mais ce n’était pas le but. Surtout pas.
On le dit, et on le fait aussi.
C’était la même chose de l’autre côté du garage : Jonas a bien travaillé, sans se mettre trop de pression, et franchement, ce soir chez Tech3, on est vraiment fiers et heureux, parce que malgré tout, même si Jonas n’est « que » neuvième, il est quand même devant Marc Marquez, et tout se fait dans une atmosphère studieuse, sans chercher à tout prix à vouloir crever l’écran en prenant des risques importants.
Oui, je suis content ! Vous me connaissez et vous savez que je
n’aime pas me mettre en avant et reste toujours sur la réserve,
mais je suis vraiment content.
Alors il est clair que le premier Grand Prix, c’est au Qatar dans
quelques semaines, mais je suis vraiment impressionné par le
travail de nos deux jeunes pilotes, dans la manière dont ils
travaillent avec toute l’équipe technique, et cette espèce
d’osmose. Ça fait vraiment très plaisir et ça fait longtemps qu’il
n’y a pas eu ce feeling et ce genre de perfs tour après tour.
D’ailleurs, cela nous a été longuement signalé par tous les boss de
chez Yamaha qui sont venus voir nos deux pilotes et les féliciter.
C’est très dur physiquement ces séances d’essais ici, mais quand ça
se passe comme ça, le poids de tout cela disparaît. »