Après ce premier opus de la saison 2016, nous avons recueilli ce que Hervé Poncharal, fraîchement réélu à la présidence de l’IRTA, a retenu de ce long weekend sur le circuit de Losail.
Mais Hervé Poncharal, c’est comme du bon vin; une fois qu’on y a
goûté, on ne peut plus s’arrêter! Aussi, au fil de cette longue
conversation, entre point de vue basé sur une longue expérience et
anecdotes, on découvre par exemple une composition possible de son
équipe en 2017.
Et en bonus, le patron du team Tech3 nous a confié ce qui
l’empêchait de dormir depuis son retour du Qatar…
Hervé, que retenez-vous de ce premier Grand prix?
Hervé Poncharal: « Même si le Moto2 a été
un petit peu tronqué et qu’on est resté sur notre faim pour les
raisons que vous connaissez, et même si on s’en doutait après les
essais des différentes catégories, on a la confirmation qu’on va
avoir un championnat, toutes catégories confondues, excessivement
ouvert et disputé, et encore plus disputé que l’année
dernière, même si les ténors restent les ténors quoi qu’il
arrive.
C’est une première chose et j’enfonce bien sûr des portes ouvertes,
car je ne suis pas le seul à le dire.
En MotoGP, on a vu que Michelin a passé avec mention ‘très bien’
l’examen d’entrée dans la catégorie reine, avec une belle course
mais surtout un rythme d’enfer avec des chronos qui ont tendance à
se bonifier, comme vous l’avez fait remarquer avec vos courbes. Non
seulement Lorenzo, mais aussi beaucoup de pilotes, dont les nôtres,
ont fait leur meilleur temps dans les 4 ou 5 derniers tours. On
avait déjà pu l’observer en simulation de course et vous avez vu
que Bradley n’est même pas rentré au box pour passer des pneus
neufs en Q1, puisque le pneu performe de plus en plus au fil des
tours, surtout dans des conditions un peu fraîches.
Donc non seulement on a des pneus performants, mais on a aussi des
pneus avec lesquels ils peuvent attaquer en début de course car, on
l’a vu, c’est parti assez vite. On avait justement un peu peur au
sujet du temps nécessaire pour cette mise en régime mais il n’y a
pas eu de souci, en tout cas au Qatar. Et ces pneus ont une
constance dans la performance qui nous promet certainement des
derniers tours d’anthologie sur certaines courses.
On a vu en catégorie reine que, malgré les changements importants que sont le passage de Bridgestone à Michelin et l’électronique unique, on a quand même le quatuor, voire le quinté, voire plus si Iannone n’avait pas fait sa boulette, mais en tout cas le quinté de l’année dernière. C’est donc vrai que ça n’a pas changé la hiérarchie mais il fallait être benêt pour s’imaginer que Redding, Barbera ou Smith allaient se battre pour la victoire. »
Au vu des essais, on aurait tout de même pu penser que Vinales aurait pu figurer dans ce groupe, non ?
Hervé Poncharal: « Oui, mais il l’a dit,
on attendait peut-être trop de lui par rapport aux essais. C’est
vrai que vu ses essais, ses simulations et les tours qu’il a pu
faire avec Rossi ou d’autres, Rossi le premier l’a dit:
« Vinales restera avec nous toute la
course ». Oui, on peut donc dire que de ce point de
vue là, il y a eu une semi-déception. Mais je pense que c’est
retarder pour mieux sauter, que le circuit de Losail est
particulier, qu’il souffrait encore certainement un petit peu dans
les deux grandes lignes droites, et que, de manière intelligente,
quand il a vu qu’il n’était pas tout à fait dans le rythme, il a
choisi de prendre des gros points.
Il a fini la course à 15 secondes du vainqueur mais 20 secondes
devant son coéquipier ! Donc Suzuki a progressé, ils ont une
machine très compétitive, mais elle est encore loin avec Aleix,
alors qu’à mon avis, dans certaines courses et dans quelque temps,
elle peut prétendre à des podiums à la régulière avec Maverick.
C’est la confirmation qu’il est très fort et que ça va devenir un
futur grand. »
Après les essais de Sepang, nous avions laissé un Monsieur Poncharal qui nous disait « écoutez, avec toutes ces machines d’usine, je vais faire entre 10 et 15 » alors qu’une de vos motos s’est retrouvée dans le parc fermé, dimanche dernier…
Hervé Poncharal: « Oui, alors après ce
panorama général et pour en revenir à Tech3, j’ai franchement été
très agréablement surpris et très heureux de voir Pol et Bradley se
battre là où ils se sont battus.
Ils ont encore une fois, notamment Pol avec un départ très très
moyen après lequel il s’est emboucané avec des pilotes moins
rapides que lui, bref ils ont perdu pas mal de temps sur les
premiers tours, mais si vous regardez le tour par tour, disons à
partir d’une grosse mi-course, c’est assez similaire à ce que
faisaient Vinales et Pedrosa, voire de temps en temps Valentino sur
certains tours.
Ils ont tous les deux fait des « 55 quelque
chose » sur la fin de course, ce qui était de loin leur
meilleur tour, donc oui je suis très content. On avait très peur
des motos d’usine, donc aussi d’Aleix Espargaro, car Vinales on
savait qu’ils serait devant. On pensait aussi que les Pramac
allaient être redoutables. Il y a malheureusement eu le pauvre
Danilo, et ça je tiens à le signaler car ça m’a vraiment
fait de la peine, parce qu’il a travaillé
énormément pour finalement se retrouver sur la touche pendant
un moment…
En tout cas, ça a fait une Pramac en moins. Redding , je ne sais
pas ce qu’il a eu mais de toute façon on l’attendait beaucoup
plus flamboyant.
Donc se retrouver 1 et 2 des indépendants, même si je n’aime pas
être ‘the best of the rest’, c’est plutôt une bonne nouvelle.
Surtout que Pol a eu des gros soucis de vision sur les 7 ou 8
derniers tours. Pourquoi, je n’en sais rien mais il a beaucoup plus
transpiré qu’aux essais , et au freinage en fin de ligne droite, la
sueur qu’il avait sur le front partait sur sa visière. Celle-ci
était totalement détrempée de sueur et, au Qatar, avec la lumière
tu ne vois rien ! C’est pour ça que Bradley a pu le ramarrer.
Pol a dit que sur les derniers tours qu’il pilotait quasiment à
l’aveugle. Parfois, les pilote exagèrent un peu mais là, quand il
nous a donné son casque sur le parc fermé, on l’a mis dans la
lumière, et honnêtement ,je ne sais pas commet il a fait…
Donc je pense qu’il a moyen de faire mieux, Bradley a bien remonté sur la fin de course alors que les deux chutes qu’il a eu pendant le weekend avaient un peu entamé sa confiance. Mais il l’a bien retrouvée en course, donc oui même si je n’aime pas dire que je suis très content de faire 7 et 8 , car ca peut paraître peu ambitieux, je suis content d’avoir fait 1 et 2 en teams indépendants et je pense qu’on peu encore, en travaillant un petit peu, combler une partie du handicap qui nous sépare des Factory.
Pour être honnête, je le craignais ce Grand prix du Qatar et je ne pensais sincèrement pas qu’on serait premier satellite. Donc on l’a fait, c’est très bien, et c’est très bien aussi pour le moral de Pol qui fonctionne beaucoup avec ca et qui peut peut-être confirmer pour sa troisième saison, tout le bien que les dirigeants de Yamaha pensaient de lui en investissant sur lui. »
Alors justement, c’est intéressant, parce que …
Hervé Poncharal: « Oui, je vous vois venir… (rires) »
LinJarvis a dit très récemment dans sa conférence de presse que finalement, finalement, il y aurait probablement un de vos deux pilotes qui resterait chez vous. Or, avec l’annonce de Bradley Smith en partance chez Ktm, on peut légitimement penser que Pol Espargaro sera encore là l’année prochaine, non ?
Hervé Poncharal: « Il est vrai que quand vous regardez aujourd’hui le niveau de Pol et Bradley, et quand vous regardez les noms de ceux qui sont potentiellement probables, si on veut vraiment jouer le rôle de Junior team, qui y a-t-il dans les vraiment jeunes ?
Bon alors, pour Johann, je pense, et il y a beaucoup de pistes
qui le disent, que ce serait fait chez Suzuki, et de toute façon,
il a quelques mois de plus que Bradley et quasiment un an de plus
que Pol…
Sam Lowes a signé chez Aprilia et il n’est plus tout jeune non
plus.
Donc dans les vraiment très jeunes, il y a Alex Rins.
Est-ce que Alex Rins, pour sa première année, va être au niveau
d’un Bradley Smith ou d’un Pol Espargaro? Je ne le pense pas. On a
vu qu’il avait encore quelques petites choses à apprendre. Il a
quand même fait une grosse chute en qualif, puis un ‘jump start’ en
course, même s’il n’est pas le seul. C’est un gars qui est très
doué et qui marchera très fort en MotoGP, mais ça va prendre du
temps.
A part lui, qui voyez-vous ?
Moi je veux bien faire le junior team, mais à un moment donné, il
faut aussi qu’on délivre des résultats corrects de manière
relativement certaine à nos partenaires. Donc pour moi,
effectivement, ca ne serait pas mal d’avoir à la fois un
« jeune vieux briscard » qui peut servir de leader et de
coach, avec un tout jeune à très fort potentiel mais qui, de facto,
fera des boulettes.
Ce n’est pas idiot. Et comme vous le dites, s’il y en a un qui
reste, ce sera Pol. »
A suivre…