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Après avoir constaté un soulagement certain chez Yamaha, après avoir analysé le contraste apparent chez Ducati, nous avons eu l’occasion de faire le point avec un représentant Honda pour essayer de comprendre la situation chez le constructeur de Tokyo.

Comme d’habitude, les propos deChristophe Bourguignon, responsable technique de la moto de Cal Crutchlow au sein du team LCR, sont toujours francs et extrêmement intéressants!

Christophe, bonjour et bravo pour ce chrono à Sepang. Vous avez fait du bon boulot…
Christophe Bourguignon: “Oui, on a fait un bon chrono. De là à dire qu’on a fait du bon boulot, c’est autre chose…”

Quand même! Finir à quelques centièmes du pilote de pointe officiel Honda, ce n’est pas négligeable, même pour quelqu’un de modeste comme vous, non?
Christophe Bourguignon: “Oui, oui… Disons qu’on avait un autre plan de travail qu’eux et que ça nous a permis de libérer Cal pour quelques runs avec des pneus neufs alors que les autres étaient un peu plus concentrés sur le développement. Mais bon, c’est vrai que c’est toujours bon à prendre…”

On a vu qu’à cause du nouveau pneu avant Michelin, Yamaha avait un peu fait machine arrière pour revenir à des réglages très semblables à ceux de l’année dernière; en est-il de même pour vous?
Christophe Bourguignon: “Je vais vous expliquer ma vision des choses. Michelin a effectivement fait un nouveau pneu avant qui a été testé cet hiver par les teams de test. A Sepang, il était disponible en une seule construction, différente de celle de Valence, et un seul profil, identique à celui de Valence, avec différentes gommes dessus. D’entrée de jeu, ce pneu a permis à Cal, mais aux autres aussi, d’avoir plus de confiance sur l’avant, sans cette appréhension de pouvoir perdre l’avant au lâcher de frein et même sur le filet de gaz, le tout avec plus de grip. En fait, chez Michelin, ils se sont rendus compte qu’ils avaient développés leurs pneus peut être trop en fonction des pilotes d’essais, donc peut-être avec une combinaison de constructions pas assez rigides et de gommes un peu trop tendres.

Avec Cal, on est donc passé sur des gommes plus dures mais avec toujours la même construction, et qui se comportaient bien mieux. Donc, charger l’avant, c’était un peu une sorte de réaction « de crise » pour tenter de ne pas augmenter le nombre de chutes qui inquiétait tout le monde.

A Valencia, charger l’avant a permis d’augmenter le feeling de 5 ou 10% en entrée de virage, mais l’appréhension sur l’angle maxi était toujours là…

De plus, en changeant les réglages de la moto, on perdait forcément dans d’autres secteurs, donc ce n’était pas du « win-win », du gagnant-gagnant. C’était plutôt un petit « win » et on perdait pas mal (rires).

Aujourd’hui, on est donc reparti sur des bases de géométrie et de suspensions très similaires à ce qu’on utilisait avec les Bridgestone. Il y a bien sûr des petits changements, mais ça, ça fait partie des tests hivernaux, que de trouver chaque année les meilleurs compromis avec une nouvelle moto.
Michelin a donc fait un super boulot, et c’était l’évolution qu’on attendait en premier lieu. Mais les constructeurs avaient aussi différents profils et constructions de pneus avant à essayer durant ces essais à Sepang. Honda étant concentré sur le développement de la nouvelle moto, nous avons pu les aider à les essayer le deuxième jour et, dans le lot, il y en a un qui est très clairement ressorti des autres. Il a été plébiscité par 95% des pilotes qui l’ont essayé et je pense qu’il est probable que ce profil soit adopté et disponible très rapidement.
Vraiment, Michelin a fait un super boulot et on se rapproche déjà beaucoup du Bridgestone, même si ce dernier reste encore un tout petit peu supérieur sur l’entrée en courbe sur les freins. Mais là, c’est déjà super!”

D’une façon générale, vous êtes repartis de Sepang dans quel état d’esprit?
Christophe Bourguignon: “On vient de le voir, on avait un gros doute en ce qui concernait les pneus et ça s’est beaucoup amélioré, que ce soit au niveau des chutes ou de la confiance des pilotes pour travailler. Il va falloir qu’on confirme cela, car on n’a roulé que sur un circuit, mais je pense que dans l’ensemble, ça va dans la bonne direction.

Au niveau des spécifications châssis et moteur, ça fait comme à chaque début d’année, où tout le monde se tâte un petit peu.

Au niveau électronique, Honda a fait énormément de tests et les ingénieurs vont pouvoir travailler dessus, mais je pense qu’on est un petit peu en retard par rapport à notre cahier des charges. Oui. On s’est retrouvé face à des soucis qu’on ne pensait pas avoir et un outil de travail moins performant que ce qu’on avait dans le passé.”

Moins performant ou, de par sa nouveauté, demandant une prise en main, donc du temps?
Christophe Bourguignon: “Je pense qu’il est moins performants POUR NOUS, parce qu’on n’en a pas encore trouvé les clefs! Il va falloir qu’on fasse des petits outils de travail informatique pour gagner du temps, par exemple pour mettre moins de temps à faire une cartographie. Là, on travaille tous les jours deux à trois heures de plus pour faire les cartographies, par rapport à l’année dernière. Ce qui était automatique avant ne l’est plus, et on doit intervenir manuellement dans certains domaines; on a donc un outil moins facile pour travailler, d’autant qu’on le découvre. A cause de cela, on est un peu en retard, mais sans que cela soit la panique pour autant…”

Au niveau châssis et moteur, votre moto a reçu une grosse évolution?
Christophe Bourguignon: “Par souci de discrétion, on ne tient pas trop à s’exprimer là-dessus. Le plan de Honda a toujours été de donner aux teams satellites un matériel égal à celui du team Repsol. L’objectif reste le même pour le Qatar.”

Après ces essais à Sepang, comment voyez-vous la hiérarchie qui se profile pour ce début de saison?
Christophe Bourguignon: “Les Ducati semblent vraiment bien au point au niveau de l’électronique. Elles profitent sans doute de l’expérience des ingénieurs qui se sont occupés des Open en 2014 et 2015. Pour vous donner une image, je pense qu’ils exploitent peut-être le software à 90% et que nous, on est peut-être à 70% pour le moment. Elles vont être compétitives, les huit motos; on a bien vu les chronos, c’est un truc de malade.”

Mais comment expliquer que les anciennes motos soient plus rapides que les nouvelles?
Christophe Bourguignon: “C’est un peu surprenant mais il faut se dire que quelqu’un qui a une moto aboutie, un peu comme nous, peut rouler avec et ne fait pas de développement. Donc il travaille dessus, il peaufine les suspensions, met au point les réglages châssis, choisit les pressions idéales des pneus , monte un set de pneus neufs et est près pour un chrono.
Les teams usine sont plutôt dans le schéma « on va essayer un châssis plus rigide, un moins rigide, moteur avec une autre spécification ,etc », donc après chaque run c’est parfois de long arrêt de travail dans les box. Ils ressortent pour valider ou pas, en pneus usés, sans chercher un chrono.
Nous, le premier jour, on est sorti avec un pneu tendre et on a fait 30 tours avec alors que la course fait une grosse vingtaine. On n’a passé que deux sets de pneus la première journée. Le lendemain matin, on est reparti en pneu dur parce qu’on devait bosser sur la cartographie et qu’on ne voulait pas tout mélanger, puis il y a eu le problème de Loris. On n’a donc quasiment jamais chercher un temps en pneus tendres. Si on avait passé un train ou deux de pneus tendres le premier jour, Cal aurait peut-être été deux ou trois, je n’en sais rien.
Mais il faut toujours se méfier de ce genre de classement. C’est comme pour Dani qui travaillait beaucoup sur les moteurs; il ne se mettait pas la pression d’attaquer pour faire un tour chrono. Donc voir les Ducati satellites là où elles sont, cela permet d’être certain que les usines seront bien dans le coup.”

Comment va Cal?
Christophe Bourguignon: “Bien. Typique Cal. De bonne humeur et très très relax. Avec sa barbe , c’était notre Robinson Crusoé …”

Quels sont vos objectifs, au vu de la concurrence?
Christophe Bourguignon: “Les 8 Ducati, les 4 Yamaha, les Honda, les Suzuki; c’est sûr, cette année il y a du monde! Il va falloir être bien pour faire un Top 10. Notre objectif est un peu plus haut, et il va falloir qu’on accroche le Top 5. Il faut garder ce genre d’objectif, même si on sait que ça ne va pas être facile.”

Nous remercions grandement Christophe Bourguignon pour ses explications et son point de vue, toujours très pertinents.

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