Il est temps d’aborder un débat MotoGP qui m’obsède. À la fin de l’année dernière, quelqu’un dans les commentaires comparait Jorge Martin à Kevin Schwantz. Et depuis, je n’arrête pas de penser à ça – chacun ses passions, hein, après tout –. Si Martin arrêtait sa carrière aujourd’hui, qui serait le plus grand pilote des deux ? Cette comparaison a priori aléatoire est particulièrement pertinente. Aujourd’hui, je vous propose une petite analyse basée sur les critères de la grandeur. Pas de soucis, je m’explique !
Comment faire ?
Ceux qui suivent cette rubrique depuis longtemps savent que j’adore l’histoire, et particulièrement ce genre de débats. Oui, je sais qu’on ne peut pas comparer les époques entre elles. Je ne peux pas savoir ce qu’aurait fait Doohan sur la Desmosedici GP25 ou Quartararo sur une YZR500.
Mais ces questions historiques doivent faire appel à d’autres critères, qu’il est nécessaire de remettre dans le contexte à chaque fois. Des critères, qui, si possible, peuvent survivre aux affres du temps. Quelques exemples : leur aura, l’impact sur leur génération, leur vitesse par rapport à leurs concurrents, les images qu’ils ont imprimé dans la tête des spectateurs. Et c’est sur cela que je vais les juger aujourd’hui. Vous êtes prêts ? C’est parti !

N°34 contre N°89… qui va l’emporter ?
La vitesse, égalité ?
Je voulais débuter ce comparo’ avec la vitesse, car c’est ce point qui revient le plus souvent. Les deux sont des pilotes foudroyants, mais qui l’emporte ? Pour moi, la palme revient à Kevin Schwantz. Je ne sous-estime pas les exploits de Martin en qualifications, mais à dater d’avril 2025, Schwantz est juste au-dessus dans ce domaine. En 500cc, il était simplement redoutable sur un tour, en qualifs’ comme en course. En 1989, sur la Suzuki RGV500, il réussit à prendre neuf poles en quinze manches, dont six consécutives ! Et à l’époque, il fallait se fader un immense Lawson, un grandiose Rainey, un jeune, mais fougueux Doohan sans oublier les outsiders comme Christian Sarron.
Puis, la « base de son jeu » reposait sur sa vitesse – et ses freinages dont nous reparlerons. Martin aussi, en un sens, mais j’ai trouvé l’Espagnol moins rapide que Bagnaia sur la saison 2024, par exemple. Et pourtant, il l’a emporté ; à la régularité dirons-nous. Oui, Schwantz tombait beaucoup – surtout jusqu’en 1990 –, mais c’est aussi la preuve qu’il était extrêmement véloce, prêt à tout pour s’imposer. Je tiens à mentionner qu’il eut pas mal de casses mécaniques également, plus fréquentes qu’à notre époque. Avantage Kevin sur ce point.
Martin a le meilleur palmarès
Passons au palmarès, qui est quand même une composante importante de ce débat, car, encore une fois, elle transcende les époques. Sur ce point, j’avantage Jorge Martin. Finalement, Schwantz a beaucoup de victoires, mais n’a pas un immense palmarès. En 1989, lorsqu’il était le plus rapide, il n’a fini que quatrième, loin de Lawson champion. Martin a fait un excellent champion du monde Moto3 2018, trop sous-coté à mon sens : tenez-vous bien, c’est le seul pilote Moto3 qui n’a pas été titré chez Red Bull KTM Ajo, Honda Leopard Racing ou Aspar depuis 2015. Il prend sept victoires et onze poles sur cet exercice, c’est historique. Schwantz n’en a pas fait, mais ce n’est pas une raison pour minimiser cet exploit.

Pole pour sa deuxième course, même Schwantz ne peut pas répliquer. En revanche, Kevin a remporté son premier Grand Prix 500cc… dès sa première course en tant que titulaire. Photo : Michelin Motorsport
Ensuite, le sacre MotoGP du « Martinator » est plus beau. Certes, il a moins gagné que Bagnaia, mais il a battu un Pecco en grande forme, un Bastianini en pleine santé et un Marc Marquez sur le retour. Schwantz n’a qu’un titre 500cc, décroché en 1993. Le problème, c’est que, sans la blessure handicapante de Wayne Rainey, il n’aurait probablement jamais été couronné. Au moment de la chute de Rainey à Misano, il était derrière aux points. Après, c’est mérité pour l’ensemble de sa carrière, dirons-nous, mais quand on pense à cette année, on pense tout autant au handicap de Rainey qu’à Schwantz.
Je pense que lui-même en aurait préféré un autre, un peu comme Phil Hill en 1961, côté Formule 1. Jacky Ickx, qui avait la possibilité de devenir champion du monde de F1 en 1970, a dit qu’il était heureux de ne pas le remporter, car le premier du classement, Jochen Rindt, s’était tué à Monza. Kevin était souvent monstrueux, mais il s’est fait dominer par son rival Rainey, factuellement. Martin, lui, est venu à bout de son adversaire à la régulière.
Je ne parle même pas du statut de pilote satellite de Martin, ni même de son année 2023. Le « Martinator » l’emporte sur ce point. Simplement, je voudrais noter un point original en faveur de Schwantz : sa victoire au Grand Prix de Macao 1988, qui force le respect tant cette épreuve est dure. Mais encore une fois, cela relève d’une tout autre époque.
L’aura est inégalable

Oui, Schwantz a fait toute sa carrière chez Suzuki et n’a pas bénéficié du meilleur package, contrairement à Martin chez Ducat0. Mais Kevin a eu l’occasion de quitter le giron Suzuki, mais il n’avait pas le courage de changer de crémerie (d’après ses propres dires).
Quid de l’impact sur sa génération ? Je m’excuse d’avance auprès du « Martinator », mais ce n’est même pas serré. Kevin Schwantz, malgré son seul titre, est une légende appréciée de tous les plus grands pilotes, qui a même inspiré Valentino Rossi. Ses freinages et ses batailles légendaires avec Wayne Rainey, entre autres, resteront. Je ne suis pas sûr que l’on parlera de Martin comme on parle encore de Schwantz, par exemple.
On a en tête des images de batailles impliquant Schwantz, trente ans plus tard. Pour Martin, la majorité de ses succès en MotoGP découlent d’un envol tôt dans la course. Alors, c’est beau aussi et il a quelques belles batailles (Sachsenring 2023, Thaïlande 2023), mais aucune vraiment mémorable contrairement à l’Américain (Hockenheim 1991, entre autres, cliquez ici pour le constater). Sans même parler de ça, le nom « Schwantz » est juste iconique, car c’était un showman, qui n’hésitait pas à aller à la confrontation. Martin est bien plus réservé, bien plus calme sur la moto et n’est clairement pas aussi impactant.
Conclusion
Si Jorge Martin remporte d’autres courses avec Aprilia, ou qu’il empoche carrément un deuxième titre en catégorie reine, alors il n’y aura plus de débat. Mais pour l’instant, Schwantz est toujours le plus grand pilote, en tout cas d’après moi. Je regrette de ne pas avoir pu rentrer dans le détail, mais je pourrais parler de ça pendant des heures. Ça serait sans doute trop long pour vous – et l’algorithme. Pour vous convaincre, un dernier chiffre : on parle autant de Schwantz alors que sa carrière en Grands Prix était longue de sept années et demie, c’est tout. Imaginez l’impact qu’il a eu pour être autant apprécié aujourd’hui, en 2025, en ayant finalement qu’un seul titre 500cc.
Je souhaite de tout cœur à Jorge Martin d’y arriver, et le fait
qu’on le compare à un pilote de ce calibre montre qu’il fait déjà
partie des grands.
Plus que jamais, je suis curieux de savoir ce que vous en pensez.
Plutôt Schwantz ou Martin ? Dites-moi tout en
commentaires ! Attention, pas de « mais
qu’est-ce qu’aurait fait Martin avec les dangereuses
500cc ? », ça ne marche pas.
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

C’est étrange à dire, mais l’esthétique de l’époque sert davantage Schwantz que Martin. Photo : Michelin Motorsport
Photo de couverture : Jorge Martin