Chaque année, le Championnat MotoGP voit de nouveaux talents émerger dans la plus petite des catégories. Le Grand Prix de Thaïlande fut le parfait exemple de la récurrence de ce phénomène, car un pilote âgé de 17 ans vient de se hisser à la deuxième place pour ses débuts en tant que titulaire. Alvaro Carpe est un nouveau monstre avec lequel il faudra composer… mais jusqu’à quand ?
Des rookies de plus en plus impressionnants
Alvaro Carpe a été énorme à Buriram. Pour sa deuxième course en mondial seulement – il avait déjà été wild-card au Grand Prix de la Solidarité l’année passée –, le voilà qui termine déjà deuxième, derrière son coéquipier José Antonio Rueda. Red Bull KTM Ajo, toujours dans les bons coups, se partage les meilleurs talents avec Aspar et Leopard Racing ; Carpe ne fait pas exception à la règle, même si lui n’a rien d’original malgré son palmarès impressionnant.

Trois Espagnols aux trois premières places en Thaïlande. Comme très souvent. Photo : Red Bull KTM Ajo
Non, cet article ne parlera pas uniquement du jeune Alvaro, majeur en juin, mais bien de l’évolution du championnat Moto3. J’ai suivi l’évolution des règles avec la plus grande attention, et j’avais parlé de la fameuse limite d’âge à l’époque de son instauration. Depuis l’accident fatal de Jason Dupasquier en 2019, le Moto3 a évolué. Désormais, il faut avoir 18 ans pour être au départ, ou 17 dans certains cas exceptionnels – terminer dans le top 3 des meilleures séries de promotion.
De ce fait, il y a comme une accumulation de talents dans lesdites séries. Ainsi, en 2022, José Antonio Rueda était le premier à remporter à la fois la Red Bull Rookies Cup et le FIM JuniorGP World Championship, les deux antichambres principales du mondial. C’était vu comme un exploit, et pourtant, un an plus tard, Angel Piqueras l’imitait. Puis, en 2024, Alvaro Carpe a fait de même, avec un nouveau doublé retentissant. Le niveau a donc beaucoup augmenté, ce qui, d’après moi, rend l’accession d’autant plus difficile. Une arrivée en mondial plus tardive est le synonyme d’un prolongement de la précarrière, extrêmement coûteuse et réservée aux « poulains » des plus grandes équipes. Et ce, sans même évoquer l’indéniable biais espagnol ; j’espère que vous êtes prêts pour la vague ibérique qui se profile à l’horizon.
Une banalisation de l’exceptionnel, mais à quel prix ?
De ce fait, les rookies qui arrivent en Moto3 sont excellents… en Moto3. Ils sont rodés, et c’est évident au visionnage. Carpe était monstrueux, doté d’une grande intelligence de course, tout comme Angel Piqueras l’était l’année passée lors de sa victoire à Misano. Ces véritables spécialistes ont banalisé l’exceptionnel et contribuent à modeler le championnat à leur image.
THE ROOKIE! Carpe snatched 2nd by 0.065s!!! #ThaiGP 🇹🇭 pic.twitter.com/9c20Wt5CUf
— MotoGP™🏁 (@MotoGP) March 2, 2025
Mais au-delà du Moto3, comment ceci se traduit-il dans les catégories supérieures ? N’est-ce pas le but du Moto3 ? Là encore, il y a du changement. Alors que la 125cc puis le Moto3 représentait un passage obligatoire pour tous les champions, de nombreux pilotes actuels ont du mal à s’adapter aux Moto2. Pouvez-vous me citer des hommes forts du championnat Moto3 qui se sont aussi illustrés en Moto2 récemment ? Forcément, on pense à Pedro Acosta, mais un peu comme David Alonso, on sait que ces profils sont uniques. Je parle des « autres », ceux dont on entend rarement parler, sauf si l’on suit assidûment les manches, ceux qui trustent souvent les podiums, mais dont on peine à se remémorer le patronyme.
Le seul qui me vient en tête, c’est Sergio Garcia. Il était fort en Moto3, et même s’il a raté le titre mondial, est fort aussi en Moto2. On pourrait dire la même chose pour Diogo Moreira, le Brésilien animateur du Moto3 en 2023, qui a bien fini 2024 et entame 2025 avec une quatrième place. Mais selon moi, ils n’ont rien de transcendant – en tout cas jusqu’à maintenant, puissent-ils me faire mentir.
À côté de ça, où sont les autres ? Foggia, adversaire valeureux d’Acosta en 2021, est carrément redescendu en Moto3. Deniz Oncu, pourtant électrique dans la plus petite des catégories, peine à s’imposer en Moto2. Albert Arenas, Champion du monde Moto3 2020, végète au milieu du classement Moto2 depuis son titre. Izan Guevara, Champion du monde Moto3 2022, n’a jamais fait mieux que 17e au classement général en Moto2. Jaume Masia, Champion du monde Moto3 2023, est parti en Supersport après une seule saison en classe intermédiaire ; campagne totalement ratée avec cinq points au compteur. Son rival pour le titre Ayumu Sasaki n’a guère fait mieux, avec une 25e place au général en 2024.

Carpe à côté de Rueda. « En attendant le prochain ». Photo : Red Bull KTM Ajo
Un paradoxe
Nous sommes face à un véritable paradoxe. J’ai l’impression que d’une part, il y a une foule de cracks spécialistes de ces 250cc quatre-temps, formée par des années de compétition acharnée. De l’autre, ils ne réussissent pas, ou peu, en Moto2, une catégorie qui devient dominée par des pilotes qui n’ont jamais connu le Moto3 ! Ce qui paraissait impensable par le passé – allez voir les noms des champions 125cc dans les années 2000, tous ont « réussi » sauf deux – est désormais monnaie courante. Certes, Ai Ogura et Aron Canet ont connu le Moto3, mais il y a de ça un bon moment, quand il ne ressemblait pas à ce que nous avons actuellement avec la limite d’âge. Jake Dixon, forte personnalité du paddock et talent so british ? Il a débuté directement en Moto2. Idem pour Fermin Aldeguer (MotoE), désormais en MotoGP, Manuel Gonzalez, leader actuel du championnat ou Senna Agius, révélation australienne. D’autres, comme Lopez, Baltus ou Ramirez, sont montés il y a très longtemps sans rester en Moto3.
Conclusion
Cet article n’est que le reflet de ma pensée, et je ne sais pas trop si les conclusions présentées précédemment seront appuyés par les faits prochains. Après tout, peut-être que tout cela est cyclique ; que Daniel Holgado, Collin Veijer et Ivan Ortola me feront mentir en dominant les saisons à venir. Pour Alonso, c’est particulier, car, comme Acosta, Marc Marquez, Lorenzo et Pedrosa, il semble fait d’une matière différente, l’alliage des légendes. Je suis curieux de voir comment tout cela évoluera, notamment avec l’arrivée abondante de jeunes loups en Moto3. Maximo Quiles, protégé de Marc Marquez, débarquera en mondial dès qu’il aura 17 ans, c’est-à-dire aux USA.
Je suis très curieux d’avoir votre point de vue sur l’évolution des deux classes « inférieures » depuis 2020. Dites-le-moi en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

Il a été très bon, notamment face à Adrian Fernandez qui est pourtant un vétéran dans la catégorie. Photo : Red Bull KTM Ajo
Photo de couverture : Red Bull KTM Ajo