La semaine dernière, nous nous sommes rendus dans les tout nouveaux locaux de Yamaha France, à Argenteuil en banlieue parisienne, où nous avons pu faire le point avec l’infatigable Christophe Guyot, team owner du GMT 94 qui alignait cette année Lucas Mahias en Championnat du monde Supersport et Philipp Öttl en WorldSBK.
Cette saison n’a pas été un long fleuve tranquille pour Lucas Mahias, champion du monde 2017 de la catégorie intermédiaire, mais il finit tout de même dans le top 10 après avoir accumulé 155 points. L’an prochain, il aura à ses côtés Michael Ruben Rinaldi (ex-pilote officiel Ducati en Superbike), avec de nouveaux objectifs détaillés par Christophe Guyot dans la première partie accessible ici…
Qu’on comprenne bien : pour vous, le Superbike actuel,
avec des 1000 et plus, va disparaître ?
« Alors ce qui va disparaître, ce
qui va changer, c’est le fait qu’il va falloir réduire de beaucoup
la puissance des Superbike, les performances des Superbike, puisque
celles des MotoGP vont vraiment être revues à la baisse: 850 et
beaucoup d’électronique en moins. Donc les performances vont
vraiment être revues à la baisse en MotoGP, et donc la première
raison qui va contraindre, c’est un secret de Polichinelle, c’est
une évidence que dans 3 ans, les Superbike seront beaucoup moins performantes
qu’aujourd’hui ! Alors, quelles sont les mesures qui vont être
prises ? On peut imaginer que ce soit avec des pneumatiques, peu
importe, mais en attendant il va falloir les réduire. Après, il y a
aussi maintenant beaucoup de gens qui demandent, et j’en fais
partie, alors moi je ne demande pas mais j’approuve les demandes de
ceux qui considèrent que le sport-production doit être adapté à des
machines avec une carte grise, des machines qui sont vendues chez
le concessionnaire. Ce n’est plus le cas des R1, ce n’est plus le
cas des R 6, ce n’est plus le cas de beaucoup de motos. Y compris
en endurance, maintenant la Suzuki n’est plus homologuée non plus.
Je pense que c’est peut-être bien de remettre les églises au centre
des villages, hein ?
Donc le MotoGP c’est le MotoGP,
et le sport-production c’est une machine qui sort de chez le
concessionnaire. Et puis je pense que si on veut relancer aussi des
projets en direction des jeunes, relancer l’activité moto sur les
circuits le week-end, les track-days, ce sera avec des machines qui
sortent de chez le concessionnaire. Donc, si le Superbike peut
redevenir la locomotive de ces projets, et bien c’est toute la
raison de notre engagement dans la
catégorie. »
Vous avez fait des essais avec la R 9, des premiers
essais, un déverminage j’imagine. Quelles sont vos premières
impressions ?
« D’abord, en effet je confirme, c’est bien une machine
qui est d’abord conçue pour la route. Donc elle fait bien 120
chevaux d’origine et c’est déjà beaucoup. En fait, il faut
considérer que si vous êtes parent d’un jeune de 18 ou 20 ans, vous
préférez le voir sur une R 9 de 120 chevaux, c’est déjà beaucoup,
plutôt que sur une R1 qui en fait 220 ou 230. Bon, donc ça déjà
c’est bien. Après, ben oui, il faut l’adapter quand même un peu au
circuit, et on s’est rendu compte que pour qu’elle soit vraiment
agréable tout de suite, il faut modifier 2 ou 3 choses, comme par
exemple la relever par rapport à l’origine, et cetera, mais des
points qui ne dénaturent pas du tout son comportement, et ça c’est
plutôt très positif. L’impression première du pilote a été que la
moto était très agréable à piloter, et maintenant la performance,
ben seule la course la validera. »
Vous avez exactement la même puissance qu’avec la R
6 ?
« Alors sur un moteur, oui. Ce qu’a fait Yamaha, c’est
vraiment pas mal, parce qu’on est d’entrée de jeu à la performance
moteur de ce qu’on avait avec la R 6 2023, sachant que tous les R 6
qu’on avait de 2019 à 2023 étaient plus performantes que la R 6
2024. »
À cause de la culasse…
« Oui, à cause d’une culasse qui est devenue imposée
par la FIM, donc qui imposait la GYTR Yamaha. Mais la culasse GYTR
Yamaha était moins performante que celle qui était faite “maison”
par Evan Bros d’un côté, Ten Kate de l’autre, ou GMT 94, même si ce
n’était pas vraiment GMT 94, c’était, on peut dire le nom du
préparateur Bruno Bailly qui avait inventé cette culasse. Donc
chacun faisait un peu sa sauce, et à ce jeu-là, on a bien compris
que effectivement Evan Bros avait peut-être un léger avantage,
historiquement toujours un petit truc en mieux sur ses culasses,
qui a disparu en 2024. Mais ce qui a surtout disparu en 2024, ce
sont les 5, 6 ou 7 chevaux qu’on avait avant. Alors maintenant, la
R 9 d’aujourd’hui retrouve les performances-moteur de ce qu’on
avait en 2023 avec la R 6, et c’est à ce moment-là d’ailleurs que
les équivalences avec Ducati et MV Agusta ont été faites. Donc on
va pouvoir se remettre à niveau face à nos concurrents. En terme
d’efficacité, on peut penser, on peut espérer que ce soit au moins
aussi bien que la R 6 qu’on
avait. »
Le projet wildcard continue cette
année ?
« Oui. J’ai demandé à fédération d’avancer la date de
la sélection fin juin, pour laisser un peu de temps au pilote
français qui mènera le championnat avec une Yamaha à ce moment-là,
pour pouvoir s’adapter à cette R 9 avant de se présenter à
Magny-Cours. Sur plan réglementaire, il peut se présenter avec une
R6, mais si on veut évaluer un pilote français, il faut bien qu’on
puisse lui mettre la même auto que celle de Mahias et de
Rinaldi. »
Un petit mot sur ces journées de sélection du meilleur
technicien Yamaha français ?
« Oui, moi je trouve que
c’est super ! Moi, ce que j’aime bien, et c’était la raison de ma
venue là, c’est de mettre en avant, de valoriser le travail des
techniciens, des mécaniciens-moto chez les concessionnaires, parce
que souvent on fait un petit complexe d’infériorité quand on est
motard face à un pilote, ou quand on est mécanicien de concession
face à un mécanicien de course. Et c’est le sens de ce que j’ai
voulu exprimer aujourd’hui auprès des élèves du GARAC et de l’INCM,
et de tous ces jeunes qui sont passionnés de 2 roues. Leur dire que
la mission qu’ils ont de réparer, d’entretenir des machines quand
on les amène chez un concessionnaire, c’est une mission dans
laquelle ils ont une grande responsabilité. Que l’importance du
détail est capitale, au moins aussi importante que quand on est
mécanicien de course, où là on n’est qu’à la recherche de la
performance, alors que pour la route il y a aussi quand même des
questions de sécurité avant de laisser repartir un motard du
magasin. Donc c’est important de les motiver pour ça et de vraiment
valoriser ce métier qui est important et déterminant pour le monde
de la moto.«
Christophe Guyot Supersport