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Bagnaia Marquez

Le Grand Prix d’Aragon vient de s’achever. Avec lui, une polémique est née. L’accrochage entre Pecco Bagnaia et Alex Marquez fait couler beaucoup d’encre, et il est parfois difficile de faire preuve de discernement. Dans cet épisode de Parlons MotoGP, nous allons tenter de trancher sur cette question épineuse. Alors, qui est responsable ? Cela mériterait-il une pénalité ? C’est parti. Avant de débuter, je tiens à rappeler que ces articles sont subjectifs. Ils n’engagent que ma parole, et sont à prendre comme des avis argumentés.

 

L’action litigieuse

 

Revenons d’abord au contexte qui a mené à cet accident. Pecco Bagnaia, en difficulté au départ, a connu toutes les peines du monde pour se défaire de ses adversaires sur une piste piégeuse au possible ; nous en reparlerons plus tard. L’Italien revenait très fort sur Alex Marquez, installé en troisième place. Au pied du mur d’Aragon, le virage n°12, à gauche. Le pilote Gresini se rate un peu, ne sort pas de la piste pour autant – ce détail aura son importance – et revient un peu brusquement sur la trajectoire. Puis, Pecco Bagnaia, pensant qu’Alex Marquez va prendre plus de temps à revenir à la corde pour le virage suivant, à droite, prend l’extérieur. Marquez, une demi-moto derrière mais trop proche pour éviter le contact, accroche Bagnaia. Vous pouvez revoir l’action dans le vidéo ci-dessous :

 

 

Selon moi, qui est responsable ? Tout d’abord, je tiens à dire que je n’attribue pas de responsabilité totale à l’un ou à l’autre. J’ai été assez étonné – peut-être n’aurais-je pas dû – de voir qu’autant de gens prenaient la défense d’un seul protagoniste. L’unilatéralité inhérente aux réseaux sociaux, sans doute. Oui, Alex Marquez paraît « un peu plus » coupable que Bagnaia. Comme je le disais à Portimao lorsque Pecco et Marc Marquez se sont harponnés, je pense que la responsabilité est toujours plus importante pour celui qui se rate en premier.

Ici, Alex Marquez s’est manqué mais n’est pas sorti de la piste. Il est en droit de défendre sa place au prochain virage. Il est en droit de tenter de se rattraper. La manœuvre de Pecco Bagnaia est intrinsèquement risquée, un contact est toujours possible dans ces situations – et on en voit très souvent, en réalité. Ajoutons à cela que Bagnaia ne laisse que peu de place entre lui et la corde. Je pense que Marquez a plus de torts mais si je devais l’exprimer en pourcentages, on serait sur un 60/40, simplement parce qu’en étant à l’intérieur, il avait plus de contrôle sur l’issue que Bagnaia.

 

Bagnaia s’est tiré une balle dans le pied

 

Cette conclusion concerne uniquement l’action en elle-même. En revanche, si l’on dézoome et qu’on observe la physionomie de la course, Bagnaia a fait le choix le moins intelligent possible. Je suis surpris qu’un triple champion du monde fasse ce genre d’erreur, car c’est une véritable erreur que d’attaquer ce pilote, sur cette piste, à ce moment, de cette manière.

 

Bagnaia Marquez

Alex Marquez n’a rien facilité, mais n’était-ce pas son droit ? Photo : Michelin Motorsport

 

Il a des circonstances atténuantes, car le bitume manquait cruellement d’adhérence hors trajectoire. Lui qui parvient toujours à trouver l’ouverture proprement n’a pas su se décaler assez, peut-être par peur de tomber à quelques centimètres du passage propre. Jorge Martin, plus tôt, a galéré à doubler Acosta alors qu’il est l’un des plus incisifs. Exemple supplémentaire (qui m’a mis sur la voie), Brad Binder n’a rien tenté sur Bagnaia quand il le suivait de près, et ce n’est pas le genre de la maison.

En sachant qu’il était si difficile de dépasser, pourquoi tenter le diable ? Bagnaia était beaucoup plus rapide au moment de l’impact – il lui reprenait, les boucles précédentes, près d’une seconde par tour –. Il aurait eu tout le loisir de le dépasser dans le freinage du premier virage, ou peut-être dans la ligne droite, à l’aspiration. Il serait passé, et de toute manière, il ne pouvait pas aller chercher Martin et Marquez, loin devant. Facteur supplémentaire qui aurait dû le faire patienter : son vis-à-vis.

Alex Marquez est connu pour ses erreurs de jugement et son pilotage agressif. Les plus grands savent s’adapter à leurs adversaires. Fernando Alonso disait, par exemple, qu’il était possible d’entretenir de longues batailles avec Sebastian Vettel, car il savait que son rival n’allait pas commettre d’erreur. Valentino Rossi et Marc Marquez (en 2019, notamment) étudiaient longuement ceux qu’ils suivaient avant de passer à l’action. C’est un trait que Bagnaia n’a pas encore, bien qu’il puisse l’ajouter à son arsenal dans quelques années. Pecco est un attaquant de premier ordre, il ne se pose pas de question. Et Alex Marquez est sans doute le dernier pilote avec qui on peut se permettre d’entamer une danse à 300 km/h. Tous les pilotes s’en sont déjà plaints, ou presque.

 

Bagnaia Marquez

Bagnaia n’en revenait pas, mais lui pouvait éviter l’accrochage. Photo : Michelin Motorsport

 

Le monde contre Alex Marquez

 

J’avais rarement vu autant de pilotes se liguer contre un autre. Tous ont été invités à commenter les images, et il ressort une sorte d’unanimité : Alex Marquez serait le coupable. Seul Aleix Espargaro a vaguement pris sa défense ; les plus modérés comme Pedro Acosta et Marc Marquez disent qu’il est difficile de juger, qu’il faut nuancer. Mais pour le reste, la question ne se pose pas. Fabio Quartararo pense que le petit frère Marquez est fautif, alors que Miguel Oliveira a carrément été véhément dans ses propos. Les deux concernés, eux, prêchent pour leur paroisse, bien sûr.

Le témoignage le plus accablant vient de Marco Bezzecchi, qui a détruit Alex Marquez d’un monologue assassin face aux journalistes. Mais son avis est biaisé car Pecco Bagnaia est son grand ami ; de la même manière, Marc Marquez n’allait pas accabler son frangin sans retenue.

 

Conclusion

 

De mon point de vue, si l’on juge uniquement l’action, Alex Marquez semble coupable, ce qui était le constat de la majorité des pilotes. Mais je n’irais pas jusqu’à lui attribuer la totalité des torts. Cependant, je ne pense pas que ça mérite une pénalité, car ce n’était en rien un attentat, il n’avait nulle part où aller. Quand les deux parties sont impliqués, autant statuer sur un fait de course. Et puis, les considérations extérieures comme la situation au championnat ou les potentielles blessures de chacun ne doivent pas entrer en compte : on doit toujours juger l’acte, et non les conséquences.

J’ajouterais simplement que Bagnaia aurait dû s’abstenir. Il s’est quelque peu précipité, et il n’a certainement pas fait honneur à sa grande intelligence de course. Le grand perdant d’Aragon, c’est lui, pas Alex Marquez.

Je suis curieux de savoir ce que vous en pensez. Alors dites-le moi en commentaires !

 

Bagnaia doit canaliser son génie. Photo : Michelin Motorsport

 

Photo de couverture : Michelin Motorsport

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