Gestion des pressions et des températures des pneus, nouvelles gommes Michelin, cadre en carbone et prise d’angle de Pedro Acosta, autant de questions que nous avons posées à Nicolas Goyon, Team Manager de l’équipe Red Bull GASGAS Tech3 qui fait rouler le sensationnel rookie en MotoGP.
Retrouvez la première partie ici
Autre sujet d’intérêt, car là vous êtes vraiment des
précurseurs, c’est la première année où vous roulez avec des cadres
carbone, plus à titre expérimental mais de façon régulière. De
mémoire, il y a eu des petites chutes aux essais : ça se passe
comment ? Quelle est la procédure après une chute ?
« C’est vrai que ça reste assez nouveau et chez Pierer
Mobility, personne n’a encore tout à fait le recul nécessaire pour
avoir une sérénité totale par rapport à ce nouveau matériau. Donc
ce qui se passe, c’est qu’on a des protocoles qui sont assez
stricts de vérification de châssis. Grosso modo, dès qu’il
y a un souci notable, une chute où quelque chose comme ça, on a
l’ordre de faire vérifier le châssis. Donc c’est sûr que
pour les techniciens, c’est quand même bien plus contraignant
qu’avant, parce que ça t’oblige à démonter beaucoup plus souvent et
éventuellement changer de châssis beaucoup plus qu’avant. Donc
tout ça dans l’idée d’acquérir de l’expérience. Et
puis, petit à petit, j’imagine que si on n’a pas de
souci majeur, on va se détendre au niveau de ces
vérifications aussi. Si tu regardes bien, on avait
connu un schéma similaire quand on avait eu les premiers bras en
carbone, ben là c’est pareil. C’était quelque chose de
nouveau au début, on était très très restrictif sur le kilométrage,
sur les vérifications, et cetera, et puis on a acquis de
l’expérience et on s’est rendu compte qu’on pouvait dans certains
cas un peu se détendre. Alors c’est sûr que sur un gros crash, on
va toujours le démonter pour le faire envoyer en vérification. Là,
ils font chez eux des rayons X et tout un tas d’analyses
pour le vérifier, puis si tout est bon, ils nous le
renvoient.”
Les vérifications se passent en Autriche
?
“Oui, pour la plupart, oui. Ils sont envoyés en
Autriche parce que ça nécessite notamment des rayons
X et du matériel qu’on n’a pas forcément sur les
circuits.”
C’est intéressant parce que
dans ce domaine aussi KTM est quand même précurseur, même s’il y a
déjà eu des tentatives, notamment chez Ducati avec des bouts de
châssis en carbone, sans grand succès…
“Oui, c’est sûr. Après, l’historique, tu le
connais. Ce premier châssis, il est apparu en course sur la moto de
Pedrosa wild card à Misano, avec le résultat qu’on connait, c’est à
dire qu’il a fait 4e, donc un super résultat pour une wild card. Le
lendemain, tout le monde avait des essais, alors ce châssis a été
essayé par les pilotes d’usine, avec un résultat on va dire plus
que prometteur. Bon, il faut aussi raison garder, c’est sûr que
Pedrosa ayant fait 4e la veille, c’est sûr qu’en étant dessus tu ne
vas pas dire “Ah non, ça ne marche pas” (rire). Mais tu vois, des
fois l’histoire elle est quand même assez
incroyable, parce que je pense que si Pedrosa était tombé,
peut être que ce châssis on l’aurait vu apparaître seulement l’an
prochain ou même plus tard, je n’en sais rien. Mais bon, il se
trouve que lui, il a fait 4e.
Les pilotes l’ont essayé le lendemain, ils l’ont trouvé efficace et
ils ont fait le forcing pour l’avoir. Mais en aucun cas il
n’était prévu d’amener ce châssis durant la saison
2023.
Mais devant on va dire les bons résultats, les bonnes
performances, de ce matériel, les pilotes ont fait le forcing et à
l’usine tout a été un peu remis en question, branle-bas de combat,
pour essayer d’en fournir, alors d’abord à un pilote, ensuite à un
2e pilote. Eux, ils avaient un et un, au niveau châssis, et puis au
fur et à mesure de la fin de saison, ils ont commencé à amener des
pièces de rechange, et cetera, et c’est la raison pour laquelle,
nous, on ne l’a pas eu, parce que personne n’était prêt pour ce
changement. Et là, l’hiver, un gros effort a été fait pour
le fournir aussi à l’équipe Factory dont nous faisons
partie. »
On ne va pas te faire parler des performances d’Acosta
qui vous apportent une joie et une énergie immenses, mais à son
sujet on a remarqué que c’était le seul pilote KTM à faire
frotter fortement ses arêtes de bas de carénage. Le garçon n’est
pourtant pas spécialement lourd, au contraire, alors pourquoi
?
« Non, il n’est pas lourd, par contre il y a
quelque chose notable dans son pilotage. D’ailleurs, tu as pu
certainement le voir au travers de certaines interviews de tes
compères, c’est qu’il met un angle incroyable
!”
C’est bien de l’angle, pas de la compression
?
“Ce n’est pas ça. Alors, je pense qu’il ya vraiment
deux paramètres. Le premier, c’est l’angle car c’est vrai qu’il met
vraiment un angle assez important. Il a un style de pilotage
vraiment en particulier, et la plupart des pilotes s’accordent pour
dire qu’il y a quelque chose à apprendre: il pilote comme
personne d’autre ne pilote sa machine. Ca c’est une chose,
et deuxièmement c’est aussi un peu les réglages. C’est à dire que
si par exemple tu as décidé d’avoir l’arrière de la moto assez bas,
bah tu auras tendance à plus facilement frotter les carénages. Donc
je dirais que l’autre paramètre, c’est l’ensemble des réglages de
sa machine, alors il n’y a rien d’extrême, mais l’ensemble des
réglages, qui fait que peut-être lui touche un peu plus que les
autres. Mais tout le monde touchait, hein, tout le monde a touché
plus ou moins ! Tout le monde a touché parce que
ce qui se passe c’est qu’à Portimao tu actives le ride height
device, donc tu abaisses l’arrière de la moto, et à un moment donné
tu as une compression, enfin une petite bosse, et sur cette bosse
tu touches. C’est la spécificité de ce circuit-là,
et ça peut-être qu’on ne le retrouvera pas ailleurs dans le
championnat. Donc tu as cette petite bosse où tout le monde touche
plus ou moins, mais c’est sûr qu’Acosta, à cet endroit-là,
c’est celui qui touchait le plus, c’est
clair.”
Et ça ne vous inquiétait pas, parce que le bas de
carénage doit servir de bâche à huile en cas de fuite
?
“Si, ça nous inquiétait et on a pris des
mesures pour pallier à ce problème. Ça veut dire que pendant le
week-end du Grand Prix du Portugal, on est intervenu et on
a fait des choses sur le bas de carénage pour rester dans les
règles.”