C’est officiel ! Álex Rins rejoindra Fabio Quartararo au sein de l’équipe d’usine Yamaha en MotoGP l’an prochain. Le pilote Espagnol n’aura pas beaucoup « profité » du package Honda, mais assez pour engranger une victoire à son guidon. Alors que nous sommes déjà revenus sur les tenants et aboutissants d’un tel transfert (dans un article que vous pouvez retrouver en cliquant ici), nous allons aujourd’hui nous concentrer sur le duel qui l’attend contre le champion du monde français.
La question se pose
Cela en étonnera plus d’un, mais la question a lieu d’être. Fin 2021, on imaginait un Fabio Quartararo sur la rampe de lancement, prêt à rejoindre les plus grands de ce sport. Nous avions rarement vu telle précocité, et surtout, tel personnage au sein du paddock MotoGP. Mais il faut bien le reconnaître ; depuis la mi-saison 2022, c’est plus que difficile pour le niçois. « El Diablo » subit sa machine, est souvent désemparé, énervé, contre son employeur ou déçu de son coéquipier. En piste, cela se traduisit par la perte du titre mondial alors qu’il bénéficiait d’un avantage net de 91 points après le Grand Prix d’Allemagne. Du jamais vu. Cela nous attriste, mais force est de constater que la situation est encore pire en 2023. Quarta’ ne fait plus la différence. Il ne compte que six points d’avance sur Franco Morbidelli au sortir du GP de Grande-Bretagne, où il s’est qualifié dernier (!). Même si la YZR-M1 n’est pas au niveau de ses concurrentes européennes, on sent une espèce de lassitude, de passivité quant à sa situation alors qu’il devrait être le moteur de cette équipe, celui qui tente, qui ose, qui définit une direction à suivre. Tel est le rôle d’un pilote d’usine de calibre « superstar ».
De l’autre côté, Álex Rins vainqueur contre toute attente à Austin. Tout le monde critique la Honda RC213V ouvertement, lui gagne avec. Même s’il est actuellement blessé, il n’en reste pas moins l’un des meilleurs pilotes du plateau. Son arrivée chez Yamaha est plus qu’attendue, même si nous émettions des doutes quant à sa capacité à faire passer sa propre équipe dans une autre dimension. Il ne l’avait pas réussi en sept années chez Suzuki, cela serait très étonnant qu’il y parvienne en quelques mois avec les bleus. Toujours est-il qu’il a le vent en poupe malgré son absence, la preuve ; il passe d’un guidon satellite à une place chez un officiel, et pas des moindres.
Álex Rins a une qualité que Fabio Quartararo n’a pas
Maintenant que nous avons comparé les deux dynamiques, venons-en au fait. Mettons les deux pilotes face à face, leurs qualités et leurs défauts. Tout d’abord, la vitesse. Sur ce point, nous donnons l’avantage au Français. Fabio Quartararo était redoutable en qualifications, et compte déjà 16 poles au plus haut niveau, un chiffre tout à fait sous-coté. En course, il est capable d’afficher de très gros rythmes, la majorité de ses victoires provenant d’échappées seul en tête.
Ensuite, la régularité dans la performance, et les chutes. Bien que les deux notions soient différentes – et souvent confondues, nous les réunissons car Fabio est au-dessus sur les deux points. À vrai dire, il n’est pas excellent (sa moyenne de points était relativement basse en 2021), mais ce sont là les faiblesses d’Álex Rins. En plus d’être souvent blessé à cause de chutes, il est capable de gagner comme de terminer hors du top 10. Pour ce qui concerne l’aspect compétitif uniquement, Fabio Quartararo est le meilleur pilote, nous pensons qu’aucun de vous nous contredira. Oui mais. Le contexte est tout aussi important, et il y a bien deux points essentiels sur lesquels Rins à l’avantage.
Le premier n’est autre que l’adaptabilité. Depuis ses débuts en Moto3, Álex Rins est rapide, peu importe la catégorie, la cylindrée, et l’équipe. Il l’a encore prouvé cette année en s’imposant sur la Honda, mais même si l’on exclut cette victoire surprise, deux autres top 10 prouvent qu’il a sait tirer profit du peu de qualités que lui offre sa monture. Ce n’est pas le cas de Fabio, qui dépend beaucoup plus de la performance de son package. Comme pour Pecco Bagnaia d’ailleurs, si sa moto ne marche pas, alors il est très peu probable qu’il construise quoi que ce soit. Cela va peser lourd chez Yamaha, car contre toute attente, le millésime 2024 ne devrait pas être radicalement meilleur. À moins d’imaginer une refonte complète, nous ne voyons pas la firme d’Iwata accrocher Ducati et même KTM en si peu de temps, l’écart est trop important à l’instant T – et il ne fait que s’accroître. Ainsi, sur une machine en dedans, nous pensons qu’Álex Rins est capable d’en extraire davantage, et très rapidement, comme il l’a démontré début 2023 avec un top 10 dès sa première sortie dominicale.
Deuxièmement, la capacité de créer des moments forts. C’est absolument essentiel pour une marque qui ne jouera probablement pas le titre. Pour cela, la comparaison tient parfaitement avec l’équipe officielle KTM en 2022, avec une moto moins bonne. Nous voyons « El Diablo » en Brad Binder, fort souvent, ou au moins régulier, avec de bonnes performances par moments. Il était le meilleur pilote de l’équipe, sans trop de contestations possibles. En revanche, Álex Rins risque de jouer les Miguel Oliveira. Souvent en difficulté, mais légendaire sur une ou deux courses. Rins l’a déjà prouvé à de maintes et maintes reprises ; il dispose d’une forme de génie qui ne s’explique pas, mais qui s’est vu à Phillip Island l’an passé, ou à Silverstone en 2019 face à un Marc Márquez version dorée. Sauf tout notre respect, nous ne pensons pas Fabio Quartararo capable de générer de tels moments forts, notamment à partir d’une dynamique négative.
Le Français s’est imposé à 11 reprises en catégorie reine. Quelle performance était vraiment marquante ? Portimão 2022, avec sept secondes d’avance ? Sans doute. En vérité, tous ses grands exploits proviennent majoritairement de percées solitaires ; de fait, on ne s’en rappelle guère. Rins en a moins, mais elles sont plus identifiables. Alors, Quartararo ne va pas ralentir pour créer du suspense, c’est évident, mais c’est comme ça, c’est l’injustice du sport. Surpris, vous pensez : mais la seule place au championnat ne détermine-t-elle pas la qualité d’un pilote ? Non, pas aux yeux de l’histoire et surtout, de la mémoire collective.
Si Álex Rins termine derrière Fabio Quartararo en remportant deux courses au bout de l’effort contre zéro pour le niçois, alors il aura gagné le duel. D’abord car Quartararo est là depuis plus longtemps, donc on l’attendra devant au général. Ensuite, car rien, sauf un titre mondial, n’est au-dessus d’une victoire en Grands Prix. Et vu que Yamaha ne pourra pas se battre pour la couronne (sauf immense revirement de situation), c’est ce que l’on retiendra nous aussi. Les grands moments font et défont une saison, pas les cinquièmes places.
Conclusion
En clair, nous pensons que Fabio Quartararo est un meilleur pilote, mais qu’Álex Rins a des chances de faire une meilleure saison, et ce dès sa première année chez les bleus. Nous n’avons pas évoqué le mental, car cela est difficile à juger quand un pilote ne joue pas le titre. Impossible de dire si cela fait la différence à la septième position. L’adaptabilité d’Álex et ses coups de génies peuvent, en un certain sens, éclipser Quartararo sans même penser au pur aspect comptable.
Et vous, qui voyez-vous faire la saison la plus marquante ? Dites-le nous en commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport