Koji (Yasuharu) Watanabe a pris ses fonctions de Président du HRC (Honda Racing Corporation) au printemps 2022, et la première mesure qu’il a prise a été d’adjoindre à la compétition moto la compétition automobile sous le même logo, alors que cette dernière dépendait jusqu’alors de la branche automobile du constructeur japonais. Une mesure destinée à favoriser les échanges de compétences et de technologies entre les deux branches de la nouvelle structure, mais qui semble tarder à porter ses fruits…
Koji Watanabe était présent à Suzuka le week-end dernier pour la course des 8 Heures remportée par l’équipe officielle Honda, et le privilégié journaliste Akira Nishimura a pu longuement l’interviewer pour le site shinsho-plus.shueisha.co.jp sur la crise actuellement traversée par la firme à l’aile d’or en MotoGP.
Évidemment, le point fort de cet intéressant échange est la courte phrase « Nions-le partout, nous ne nous retirerons jamais ». Voilà déjà de quoi rassurer à la fois les fans de le marque de Tokyo, le personnel et les pilotes de équipes engagées dans la catégorie reine des Grands Prix, et même sans doute Johann Zarco qu’un faisceau d’indices anticipe de plus en plus dans le team LCR en 2024…
Car si Honda exclue de se retirer du MotoGP, ce n’est pas pour y faire de la figuration, et la couleuvre est sans doute d’autant plus difficile à avaler actuellement que le passé de la marque japonaise est aussi glorieux qu’inégalé ! Et l’homme à la tête du HRC est tout à fait conscient de la situation dans laquelle se trouve Honda en MotoGP: « J’ai pleinement conscience du danger. Le groupe Honda dans son ensemble considère la situation actuelle comme un problème majeur. Y compris Toshihiro Mibe, président de Honda Motor Co., Ltd., nous pensons que nous devons faire quelque chose à propos de cette situation dès que possible. »
En charge du département compétition depuis une année, il est difficile pour Koji Watanabe de dénigrer le comportement passé qui a engendré cette situation. Toutefois, il concède que « nous aurions dû promouvoir activement l’échange de technologies à deux et à quatre roues dans le passé. C’est vrai qu’on a eu des échanges dans le passé, mais maintenant qu’on est plus impliqué dans des échanges techniques, j’ai l’impression que les échanges passés n’étaient pas suffisants », tout en admettant que « nous évoluons pas à pas, mais nos concurrents changent peut-être plus radicalement leurs méthodes de développement ».
Bien. Mais alors comment Honda entend-il redresser la barre ?
Plusieurs axes se dessinent, à commencer évidemment par une augmentation du budget et du personnel (actuellement une cinquantaine de personnes, sans parler du R&D). Si le premier élément reste évidemment vague, « quant à l’investissement en capital, nous examinons combien il sera nécessaire à l’avenir », le second est énoncé important : « une augmentation du nombre d’employés qui ne s’est pas vue ces dernières années en MotoGP. Nous devons améliorer la machine de cette saison, et nous devons faire des choses à partir de l’année prochaine, donc afin d’éviter toute confusion entre ce que nous faisons maintenant et ce que nous ferons l’année prochaine, nous augmenterons le nombre de personnes pour les séparer clairement. »
Conséquence de l’analyse de la situation actuelle, les échanges entre le monde de la compétition automobile et celui du MotoGP sera renforcé, « de nos jours, par exemple, les (technologies) des véhicules à quatre roues entrent dans les domaines de l’aérodynamique et de la combustion des moteurs (des MotoGP. Je pense que l’effet synergique des motos et des automobiles a un impact positif sur les motos ». Du moins c’est ce que le Président du HRC espère, car il n’entend pas l’imposer non plus, « c’est pourquoi au lieu que ce soit la direction qui force quelque chose, je voudrais qu’ils décident volontairement ce qu’ils choisiraient lorsqu’ils verraient la même chose. Donc, je ne pense pas qu’il s’agisse pour nous de pousser les ingénieurs moto à utiliser cette technologie des quatre roues ».
Les concepts énoncés sont de gros bouleversements pour le HRC et les fruits de ces changements ne se verront sans doute pas à court terme. Aussi, pour 2024, dont un premier prototype devrait être utilisé lors du test post-Misano, reste très prudent… « Je suis conscient que ce ne sera pas si facile. Actuellement, le développement de la machine MotoGP 2024 progresse rapidement, mais avec tant de choses à décider maintenant, comprenons-nous vraiment toutes nos faiblesses ? Si nous pouvons bien les trouver, nous aurons une machine avec une puissance de combat raisonnable en 2024. Pour être honnête, je ne peux pas dire qu’il y en ait encore des preuves ».
Une prudence que l’on ressent encore davantage quand l’avenir de Marc Marquez est évoqué. Là, on frôle quasiment l’impuissance à apporter des réponses concrètes aux demandes de l’Espagnol: « nous n’avons pas d’autre choix que de construire des motos rapides et des machines capables de gagner. Chaque fois que je vais sur un circuit du MotoGP, j’ai toujours une longue conversation avec Marc. « Nous devons construire et livrer la machine que vous voulez, et nous le ferons dès que possible ». »
Toutefois, l’introduction éventuelle de nouvelles Concessions aménagées seraient sans doute le moyen d’accélérer le redressement. Koji Watanabe ne les réclame pas, mais les accepterait volontiers, « si le consensus de tout le monde est unanime, on ne peut pas dire qu’on ne profitera pas des opportunités qui s’offrent à nous. En d’autres termes, si les Concessions s’appliquent, nous les utiliserons ».
D’autres sujets sont également abordés dans cette longue interview, comme la vision du HRC sur le futur à plus long terme des compétitions automobiles et de motos, et ce qui se dégage des réponses de Koji Watanabe est un mélange de lucidité et d’honnêtement. L’homme ne nie rien et ne promet pas la lune pour demain. Le redressement est enclenché, mais il prendra un certain temps. Marc Marquez en verra-t-il suffisamment tôt les prémices pour avoir envie de prolonger son contrat ?