Peur, amertume, manque de respect de la part des autres, voilà des concepts assez rarement abordés lors d’une discussion entre deux personnes, mais quasiment jamais dans le cadre d’une interview d’un pilote de Championnat du monde !

Pourtant, cette franchise absolue est une des facettes de Jules Cluzel, et il le démontre encore dans cette interview où il aborde de lui-même certains sujets très personnels.

Rarement nous avons pris autant de plaisir à interviewer un pilote, et nous espérons que vous en aurez autant à lire ses propos, diffusés en deux parties et que nous terminerons par une petite anecdote illustrant le personnage…

Merci Jules !

Retrouvez la première partie ici


Ensuite, une nouvelle facette, on te retrouve encore dans le paddock Supersport, mais cette fois comme coach pour le Team Yamaha Thaïlande  : une belle expérience, intéressante, difficile ?
« En fait, c’est une expérience intéressante parce que moi, en tant qu’ancien pilote, en plus en Supersport, j’ai fait plein de catégories mais mes dernières années le plus souvent ça a été le Supersport, c’était aussi normal que je puisse donner et partager mon expérience avec d’autres pilotes en Supersport. Mais pas que ! Là, ça a été l’occasion avec Yamaha, j’ai été mis en relation avec Yamaha Thaïlande parce que c’est un team que je suivais et je pensais qu’ils auraient peut-être besoin de conseils. Et c’est le cas. Après, on a fait une course, donc Donington, qui était un peu une course test. Le résultat brut, ça ne se voit pas comme ça sur un weekend de course, parce que ça passe trop vite. Je suis arrivé là un petit peu à découvrir tout le monde, tu ne peux pas arriver et dire « il faut faire comme ci, comme ça » ! En plus, il y a une autre culture. Et j’ai bien aimé. J’aime bien en fait, moi, je ne veux pas dire les équipes étrangères, mais mes meilleures années, c’était dans les équipes étrangères, et j’aime bien. Je parle 4 langues et j’aime ça. Ma femme est une Slovène, enfin tu vois, je ne suis pas dans le 100% français et j’aime bien la Thaïlande, c’est un pays que j’adore, et je trouve qu’ils y mettent les moyens. Ils roulent avec des Ten Kate, et ils mettent beaucoup de moyens pour la course. Pour l’instant, ça ne porte pas ses fruits par rapport aux résultats, parce que les pilotes ne sont pas au niveau, tout simplement, ils connaissent pas les circuits non plus, et là le gros du travail; peut être avec eux, ça va être cet hiver d’essayer de les préparer mentalement et physiquement, d’aller en Thaïlande et de faire des centres comme là, le bLU cRU Camp, mais en Thaïlande. »

C’est donc une expérience qui va continuer l’année prochaine ?
« Pour l’instant, on démarre quelque chose, on est en train de discuter. Ils m’ont demandé si je pouvais être présent à Most, mais j’étais présent ici au bLU cRU, donc pas pour Most. À Magny-Cours, normalement je devrais être aussi avec eux, mais aussi plus pour préparer l’hiver parce que le gros du travail ne se fait pas sur les courses, il se fait, il se fait avant et après, donc pour cet hiver, j’ai déjà commencé: j’ai fait tout un programme à mettre en place. Vu que c’est Yamaha Thaïlande, il y a des motos aussi, pour faire un camp d’entraînement, 2 fois 2 semaines, pour essayer de les préparer mentalement et physiquement. Là pour moi, le gros du travail c’est aussi comme au bLU cRU : les trajectoires, c’est une chose, mais c’est plutôt l’état d’esprit, je pense, qui est important. L’état d’esprit, pour moi, c’est le plus important. Les talents, il y en a peut-être un ou deux, mais il faut aussi le travail, et puis il faut aussi avoir envie de bouffer l’autre, parce que ça reste un sport, une compétition. Et le but, c’est là, comme ce matin, ils faisaient le test Luc Léger pour voir leur condition physique, et on n’en a pas vu un se mettre par terre à vouloir essayer de battre l’autre, le meilleur chrono qui a été réalisé, donc c’est un peu dommage ! Mais c’est là-dessus aussi que moi j’aimerais bien retrouver un petit peu le goût de la compétition avec un jeune ou des jeunes qui écoutent et qui partagent le même état d’esprit. »

On termine ici avec le bLU cRU, où là c’est encore autre chose puisque c’est une autre catégorie d’âge avec des niveaux potentiellement disparates. Partager ton expertise et on expérience te plaît ?
« Ça me plaît ! Ça me plaît parce que c’est Yamaha qui s’investit et pour moi c’est les seuls dans la compétition à faire ça, et ça c’est bien, et ça n’existait pas à mon époque. Le bLU cRU Camp, il y a des moyens qui sont mis. Enfin voilà, il y a une compensation demandée aux parents, mais qui est moindre par rapport à ce qu’on leur donne comme structure, c’est plus symbolique qu’autre chose. Parce que, sans parler de moi, il y a des coachs de luxe en motocross, des champions du monde, il y a Fabio qui devait venir. Bon, au final il ne vient pas, mais je veux dire, c’est quand même un champion du monde MotoGP, ça les fait rêver ! Il y a  le président de Yamaha Europe qui est venu, Éric de Seynes, enfin, il y a du beau monde quoi. Et c’est top pour eux, c’est top ! Ils ont de la chance, et moi je trouve que par rapport à Yamaha, par rapport aussi à ma fin de carrière avec Yamaha, et je trouve par rapport à l’esprit de groupe parce que là on est 20 en en section vitesse, c’est intéressant ! Tu aurais un ou deux pilotes qui ne s’investissent pas trop, qui ne donnent pas trop envie et 3 séances dans le week-end, là ce serait un peu mou, mais là ce n’est pas le cas, là c’est intense, il y en a 20 ! Dans les 20, tu donnes des conseils et tu te dis qu’il y en a au moins un qui t’écoute, et que peut être ça lui servira, donc moi j’aime bien ça. Tu vois, c’est le l’effet de masse, un peu aussi concentré sur 4 jours, je trouve ça bien. »

Donc tout se passe bien pour Jules Cluzel ?
« Ouais, ouais, c’est cool ! Après, je ne veux pas te cacher que j’en veux plus, hein ? Donc là pour l’instant, j’ouvre les portes, je les pousse aussi, parce qu’en fait, ce qui m’a beaucoup déçu dans mon arrêt de carrière, c’est que je m’attendais à avoir peut-être quelques coups de fil pour essayer des choses, et au final rien (rires) ! Il a fallu quand même pousser et c’est un peu dommage. Maintenant, parce que j’aime bien aussi le cyclisme, j’ai parlé avec Dan Martin, un mec qui a réussi au top dans le cyclisme et qui a arrêté cette année, et il m’a dit lui aussi qu’il a eu zéro coup de fil à son arrêt de carrière, alors que lui c’était un top comme la Formule1 pour le vélo. Donc tu te dis que c’est partout pareil, ça m’a plutôt rassuré. J’ai appris ça il y à 4 jours, donc j’apprends, je découvre et j’essaie des trucs. »

Un grand merci à Jules Cluzel !

Petite anecdote qui illustre bien que Jules Cluzel restera toujours un pilote…
Comme Gautier Paulin ou Milko Potisek, Maxime Renaux, que l’on ne présente plus en motocross, était présent sur le circuit de Clastres pour coacher la partie tout-terrain. Sauf qu’avoir une Yamaha R7 et une piste de vitesse à sa disposition, ça tente, même si on s’est sérieusement blessé au pied deux mois auparavant.

L’intéressé a donc fait part de son intention d’essayer une R7, ce qui est arrivé aux oreilles d’un Jules Cluzel qui n’était avant tout là que pour donner des conseils, sa propre blessure à la cheville gauche l’incitant à rouler avec une moto adaptée pour passer les vitesses à droite.

« Ah bon, tu roules ? Alors je roule aussi ! », et voilà nos deux compères partis se faire plaisir en testant les limites de la piste sous un ciel bien gris.
Passion, quand tu nous tient…

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