Alvaro Bautista nous dit tout : le feeling avec Ducati, le changement dans la préparation physique, le problème du poids avec Redding et Razgatlioglu chez BMW.
Par Matthieu Bellan de Corsedimoto
Difficile de nommer un autre champion qu’Alvaro Bautista pour ce Championnat du Monde Superbike 2023. Le pilote Aruba Racing Ducati a remporté seize des dix-huit manches disputées jusqu’ici, il démolit ses rivaux et il est facile de prédire qu’il remportera un deuxième titre. Ce week-end, nous courons à Imola et il pourrait encore augmenter son avance au classement.
Interviewé par le journaliste espagnol Manuel Pecino pour sa chaîne YouTube, le pilote de 38 ans originaire de Talavera de la Reina a expliqué qu’il s’entraîne toujours avec une grande envie : « on ne peut jamais se détendre. Si je pense que tout est fait, je fais erreur. Plus vous gagnez, plus vous devez travailler et être concentré car il peut être facile de perdre la concentration, de se détendre et de commettre des erreurs. J’aime m’entraîner et je ne le vois pas comme une obligation, c’est un mode de vie et ça ne me pèse pas ».
On a demandé à Bautista quel était le secret de son succès, qui dépend souvent de la combinaison de plusieurs facteurs : « quand le package moto-pilote-équipe fonctionne, on peut tout faire. Il y a quelques années, j’ai changé ma façon de m’entraîner, en me concentrant davantage sur la préparation mentale que sur la préparation physique. J’ai essayé d’être plus frais, lucide et concentré mentalement. J’ai fait en sorte que le travail mental soit combiné avec le physique, l’union esprit-corps est importante en course, faite de détails et de petits temps de réaction ».
Le pilote espagnol a modifié sa préparation et en a tiré un grand profit : « je me lève tous les jours à 6h15-6h30 et je commence par un HIIT, ou Hight Intensity Interval Training. Il est utilisé pour activer le corps et l’esprit. Par rapport au passé, j’ai réduit la quantité et augmenté la qualité des entraînements. De plus, plus les années passent, plus la récupération après le travail effectué devient importante. Maintenant, j’aborde les week-ends de course d’une manière totalement différente que lorsque j’étais plus jeune. Je sens que je contrôle assez bien la situation, je suis lucide du début à la fin ».
Bautista a également expliqué qu’à l’époque du MotoGP, il avait une approche très différente et qu’il se comportait différemment : « en MotoGP, je ne pensais pas comme je le fais aujourd’hui. A partir de vendredi c’était tout de suite « fuego », j’ai mis beaucoup de pression et après 6-7-8 tours le pic d’euphorie s’est effondré. Maintenant je fais le contraire, le week-end j’essaie d’être le plus détendu possible en enlevant la pression et les tensions. Cela m’aide dans la course, car je n’ai pas de stress. Je suis plus concentré et lucide. Si je revenais dix ans en arrière, je pense que je changerais ma façon de faire les choses. Je ne sais pas si les résultats changeraient, mais je changerais ma façon de tout gérer ».
Alvaro Bautista : « je ne joue pas au basket en demandant ensuite de baisser le panier parce que je n’y arrive pas »
En plus de la préparation psycho-physique méticuleuse qu’il fait, il y a évidemment aussi un super feeling avec la Ducati qu’il pilote. Alvaro ne peut que le reconnaître : « j’ai aussi une confiance incroyable avec la moto. La première fois que j’ai piloté la Panigale V4 R en 2019, j’ai tout de suite été rapide. A l’époque, il me manquait de connaître les pneus, le championnat, certains circuits… Je manquais d’expérience et Ducati en manquait aussi, qui en était à sa première année avec cette moto. Nous avons perdu l’opportunité de gagner le Championnat du Monde Superbike, mais ensuite je suis revenu sur la moto et avec plus d’expérience ».
La Panigale V4 R est-elle la meilleure moto du World Superbike ? Alvaro Bautista répond ainsi : « honnêtement, je ne voudrais pas en piloter une autre. Je m’entends très bien avec la Ducati, elle s’adapte à mon style et j’arrive à la piloter de la bonne manière. La moto parfaite n’existe pas, mais je suis très content de ma Ducati. Je ne pense pas que je pourrais exprimer mon potentiel avec une autre marque comme je le fais avec Ducati ».
Scott Redding, mais pas seulement, a pointé du doigt à plusieurs reprises le poids léger de l’Espagnol, l’indiquant comme un facteur qui lui permet d’avoir un grand avantage sur ses rivaux. Bautista réitère sa position sur la question : « Scott ne sait pas quoi dire… J’ai parlé du sujet avec Pedrosa, dont on disait souvent qu’il n’avait pas gagné à cause de son poids léger. Alors maintenant c’est un avantage, avec une moto qui pèse plus que le MotoGP ? En MotoGP, je n’ai jamais entendu personne dire qu’un pilote gagnait parce qu’il était léger. Je l’ai entendu dans ce paddock et je pense que ce ne sont que des excuses ».
L’ancien pilote MotoGP envoie une grosse pique à Redding et à tous ceux qui l’ont interrogé sur sa carrure : « ils parlent de poids et de taille, mais je ne joue pas non plus au basket avec ma morphologie. Si l’on est grand et lourd, on n’a pas le meilleur corps pour être motard. Je ne dis pas qu’il n’est pas doué, mais il n’a pas le physique idéal pour faire de la moto. Si vous voyez les champions, personne n’est très grand. Hormis Valentino Rossi, qui est l’un des plus grands, la plupart d’entre eux ne sont pas très grands. Je ne suis pas à blâmer si je suis petit et léger. Si tu n’aimes pas ça, joue au basket. Je ne joue pas au basket en demandant ensuite de baisser le panier parce que je n’y arrive pas ».
Alvaro Bautista a également été interrogé sur le transfert de Toprak Razgatlioglu de Yamaha à BMW et il a confirmé qu’il n’était pas surpris par le choix turc : « j’ai partiellement compris son choix. Toprak est talentueux et jeune, il a le temps de gagner. Il sait ce dont il a besoin pour se battre et a probablement pensé qu’il ne pouvait pas faire plus que cela avec la Yamaha. Je pense que BMW peut bien faire, la moto est meilleure que ce que disent les résultats d’aujourd’hui ».
Le champion en titre du WSBK estime que la marque allemande a tout pour réussir à l’avenir : « je pense que la moto a du potentiel et que BMW a à la fois l’argent et la volonté de grandir. Maintenant, ils ont pris un pilote pour se battre pour le titre. Pour moi, Razgatlioglu n’a pas fait un choix fou, étant jeune. A mon avis, il n’a pas eu une mauvaise idée, après on verra les résultats ».
