KTM ne réalise pas l’entame rêvée, c’est le moins que
l’on puisse dire. La RC16 millésime 2023 n’est pas tout à fait à la
hauteur, et les pilotes ont du mal à se mettre en jambe. Analyse de
la situation en plusieurs points.
I) Pourquoi c’est frustrant
Sur le papier, les résultats ne sont pas si mauvais et la situation
n’est pas alarmante. D’ailleurs, les essais hivernaux n’étaient pas
plus convaincants. Alors, pourquoi s’inquiéter ? Cette année,
KTM devait franchir un cap, enfin se montrer au
niveau des meilleurs sept ans après leur arrivée.
La composition du duo Binder/Miller, sur lequel
nous reviendrons incessamment sous peu, allait dans ce sens. Plus
qu’Aprilia, la firme de Mattighofen devrait jouer devant, au moins
au classement équipes. Mais il n’en est rien.
Tout commençait bien au Portugal, avec une magnifique performance
de Jack Miller, couplée à un quasi-exploit
individuel de Brad Binder le dimanche, d’ailleurs
passé sous les radars. Malgré tout, force est de constater que les
KTM officielles restaient assez loin du rythme imposé par
Pecco Bagnaia sur les deux courses.
Puis, en Argentine, nouveau bijou de Brad Binder
qui réalise l’une des plus grandes performances du XXIe siècle lors
du Sprint. Cependant, la course fut plus difficile, avec un abandon
pour le Sud-Af’ en raison d’un accrochage, et une 6e place de Jack
Miller dans des conditions qu’il apprécie (Japon 2022, Thaïlande
2022).
À Austin, le Grand Prix du dimanche fut encore plus difficile avec
une double chute. Voilà où en sont les hommes en orange
jusqu’à maintenant, soit à la 6e place du classement équipe quand
la marque figure 4e des constructeurs.
II) Brad Binder n’est plus le même ?
Sur ces trois premières courses, Brad Binder a
changé. Avant, on le louait pour sa régularité dans la
performance et moins pour sa vitesse intrinsèque. Bien qu’il
termine la course à Austin comme à Termas de Río Hondo, le voir
chuter deux fois en deux courses est rarissime. Pour rappel, il
compte deux abandons sur les saisons 2021 et 2022.
Un peu comme
Luca Marini, il semblerait que ces pilotes misant sur
leur présence habituelle dans le top 5 aient troqué leur régularité
pour de la vitesse, ce qui n’est pas une mauvaise chose. En tout
cas, c’est plus adapté à ce que le nouveau format demande.
On savait Brad Binder extrêmement fort,
sans doute capable de jouer les meilleures places au
championnat. Mais il faut reconnaître que son exploit
Argentin était tout à fait bluffant, et contraste encore davantage
avec son manque de vélocité affiché aux États-Unis.
Nous ne sommes nullement inquiets pour lui. Une
petite amélioration en qualifications et il aura sa carte à jouer
au général, c’est une certitude. Le problème, c’est qu’il ne faut
pas tarder et que malheureusement, Binder n’a pas tant profité du
manque de performance des favoris pour s’installer à la position
qui devrait être la sienne.
III) Jack Miller, l’énigme
Début de saison étrange pour « Jackass ». D’un côté, personne ne
l’attendait à ce niveau au Portugal, et il faut bien reconnaître
qu’il a réalisé un grand weekend. Pendant l’hiver, nous le
présentions comme un clair n°2, là pour épauler Brad Binder dans la
quête d’un titre. L’objectif, s’il est ambitieux, est sans doute
celui de KTM. En clair, faire ce qu’il faisait aux côtés de
Pecco Bagnaia.
Mais finalement, l’Australien a fait plus que cela, du moins, pour
une course. Sa conférence de presse en Argentine ne nous a pas
emballé, c’est le moins que l’on puisse dire. Jack Miller se la
joue « dark horse », ou « chevalier
noir » en français, un comportement qui consiste à s’imaginer
des ennemis.
Ce n’est pas la première fois que l’on voit ceci en Grands Prix.
Scott Redding en était un grand spécialiste sur la
fin de sa carrière en mondial. Miller voulait faire douter les
sceptiques, alors qu’il est sans doute l’un des pilotes les plus
appréciés de sa génération. Comme s’il avait quelque chose
à prouver, alors que sa position, même après une manche portugaise
convaincante, n’était pas non plus exceptionnelle.
Nous sommes tous au courant de son potentiel, là n’est pas la
question. Il voulait « prouver aux gens qu’ils avaient tort », mais
personne n’a réellement parlé de son possible échec chez KTM. Peu
importe ce qu’il voulait dire, sa manche américaine catastrophique
ne l’a pas aidé à se débarrasser de ses prétendus détracteurs.
That's a huge shame for @jackmilleraus! 🥺
— MotoGP™🏁 (@MotoGP) April 16, 2023
A podium place slips through his fingers! 💥#AmericasGP 🇺🇸 pic.twitter.com/RzIzyJvSqE
Il réalise ici l’une des pires performances de
l’histoire moderne, avec six chutes dans le même weekend.
Normalement, à cinq, il est aisé de comprendre qu’il faut peut-être
ralentir pendant la course du dimanche afin de rapporter quelques
points. Miller ne lâcha rien, poussa et de nouveau, tomba.
Se battre pour soi est plus important que se battre pour les
autres. Attention : Nous pensons toujours que Jack
Miller est un très bon pilote mais il faudra rapidement
oublier ce désastre pour se concentrer sur les circuits européens
qui arrivent, et qui lui réussissent généralement plutôt bien. Ce
qui est dommage, c’est qu’en en faisant un peu moins et en roulant
dans ses standards, il aurait pu atterrir sur le vieux continent
devant Brad Binder au général, ce qui aurait été
intéressant pour lui et bien sûr, pour KTM.
Pour conclure, nous pensons que ce début de saison n’est
pas dramatique, mais une belle opportunité manquée pour le possible
outsider de 2023.
Que pensez-vous de la situation chez les Autrichiens ?
Dites-le nous en commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport