Marco Rigamonti a été le témoin de beaucoup de choses dans sa carrière débutée chez Ducati Corse en 2004. Le moment le plus croustillant du monde d’avant est sans doute cette anecdote sur un Valentino Rossi arrivant à Borgo Panigale et livrant son premier sentiment sur la Desmosedici au sortir de sa glorieuse période Yamaha… Une scène qui lui donne l’occasion de rappeler qui était Casey Stoner, mais aussi de rendre justice à Loris Capirossi.
Dans son entretien fleuve et passionnante sur le site slick-magazine, Marco Rigamonti revient sur les années Ducati avant l’installation de Gigi Dall’Igna, marquées par l’émergence du projet via Loris Capirossi, le succès amené à la force du poignet de Casey Stoner et l’arrivée de Valentino Rossi. Une période aussi influencée par l’adoption du concept du manufacturier unique, précédent celle du boitier électronique standard. Sans parler du passage du 1 000cc au 800 avant un retour en arrière. Autant de péripéties qui ont influencé bien des carrières et le sens de bien des projets.
On s’attardera ici à l’époque allant de 2006 à l’arrivée de Valentino Rossi. Car avant Casey Stoner, Rigamonti rappelle qu’il y avait un certain Loris Capirossi : « Stoner était un phénomène, un pur talent, mais pour la victoire du championnat du monde en 2007, il faut aussi considérer que, déjà, en 2006, la dernière année du 1 000cc, Capirossi jouait le championnat du monde » corrige le chef mécanicien. « La moto, avec Capirossi et Bayliss sur la Ducati officielle, Hoffman et Cardoso sur la Pramac, était assez compétitive avec tout le monde. Dès l’année suivante, avec le passage au 800cc, le moteur Ducati avait un gros avantage sur la concurrence et avec le talent de Casey nous avons pu capitaliser là-dessus ».
Et puis il y eu l’arrivée du Doctor suivant le départ de l’Australien en direction de Honda… « Une catastrophe contrairement aux attentes » dit Rigamonti sans fioritures. « L’avantage du moteur Ducati s’était progressivement atténué au fil des années avant même son arrivée, réduisant l’écart qui le séparait des adversaires et mettant en évidence les limites de la moto ». Il précise : « même si Stoner parvenait tout de même à s’imposer ». Puis l’Italien livre cet élément trop souvent oublié : « on est passé aux pneus uniques Bridgestone en 2009 et cela a été le coup de grâce. Si, auparavant vous pouviez compenser certains problèmes de châssis en ne modifiant que la spécification de la gomme, à partir de 2009, les pneus étaient les mêmes pour tout le monde, et les problèmes étaient de plus en plus évidents, à tel point que Casey lui-même a commencé à se débattre. Avec l’arrivée de Valentino et le passage de Stoner à Honda en 2011, tous ces problèmes sont tout simplement revenus à la surface ».
Marco Rigamonti : « Casey Stoner avait un talent de pilote exceptionnel, plus que Valentino Rossi«
Puis l’homme de Ducati livre cette anecdote : « pendant les années Stoner, les médias et les adversaires ont fait l’éloge de notre système « anti-wheeling » et nous, en tant qu’employés de Ducati, nous sommes contentés de saluer cet éloge… Cependant, la vérité était différente et avec l’arrivée de Rossi, elle est sortie… De retour aux stands après sa première sortie, Valentino a demandé aux mécaniciens pourquoi l’anti-wheeling avait été désactivé, pour découvrir plus tard, qu’en réalité, cette technologie sur cette moto n’avait jamais existé ».
Les conséquences n’ont pas tardé à suivre : « les défauts de la moto se sont ensuite traduits dans les résultats en piste, dès les premiers essais à Valence en 2010 : il suffit de penser que lors de la dernière course, courue quelques jours plus tôt sur le même circuit, Stoner avec la Ducati avait obtenu la pole position avant de terminer deuxième de la course. Ensuite, lors du premier jour des tests, Stoner était toujours le premier, au guidon de la Honda ».
Rigamonti ne rappelle pas en revanche où était alors classé Rossi. Mais il lui reconnait une qualité indéniable : « Valentino avait un mental extraordinaire : il était capable de mettre tout le monde en difficulté, même ceux qui étaient plus forts que lui. Casey avait un talent de pilote exceptionnel, plus que Valentino, mais il a eu du mal à supporter la pression : à chaque fois qu’il se plaçait sur la grille de départ il avait des nausées, l’angoisse le rongeait, il voulait rentrer chez lui. Cela l’a également conduit à sa retraite ».
L’Italien termine en livrant sa conviction qu’aujourd’hui, un pilote est la synthèse des deux champions. Et devinez qui est-ce… « Plus fort qu’eux, à mon avis, il n’y a que Marc Marquez. Parce que c’est l’union parfaite des deux : Marc allie le talent de Stoner à la stabilité mentale de Rossi ». On rappellera que Marc Marquez est un officiel Honda et que Rigamonti évoluera cette année auprès de Bastianini dans un team officiel Ducati au sein duquel se trouve le champion du monde en titre Pecco Bagnaia.