Cela fait maintenant 1 755 jours qu’aucun pilote Honda
autre que Marc Márquez ne s’est imposé. Autrement dit,
cela représente quatre ans, neuf mois et dix-neuf
jours. Une durée interminable, qui ne fait que renforcer
l’idée de « Márquez – dépendance » au sein de la
firme ailée. Un phénomène qui coûte à l’équipe depuis sa blessure à
Jerez en 2020. Coïncidence ou pas, la dernière victoire d’un pilote
Honda qui ne portait pas le n°93 était aussi une course historique
à plus d’un titre. Ensemble, revivons le Grand Prix
d’Argentine 2018.
Le vendredi ne laissait pas présager un tel évènement. Marc Márquez
avait signé le meilleur temps des essais libres, comme souvent.
Mais le samedi, la pluie fait irruption. Les
conditions délicates qu’elle entraîne sont propices aux surprises,
mais, à cet instant, personne ne peut imaginer l’importance
capitale de ce paramètre. À vrai dire, les conditions mixtes
attendent les pilotes, plutôt qu’une pluie franche. La piste sèche,
c’est une certitude, mais il paraît impossible de sortir en pneus
slicks. Aussi incroyable que cela puisse paraître, certains s’y
osent, comme Márquez ou
Crutchlow. Il n’y croient pas, et se ravisent
rapidement. Cependant, un autre persiste, jusqu’à prendre tous les
risques. Jack Miller, transcendé, s’empare de la pole
grâce à ce coup de poker.
Dani Pedrosa est deuxième, suivi de Johann
Zarco. Les bonnes performances de
Tito Rabat (4e) et Karel Abraham
(13e) sont à noter. Même si Miller est le premier pilote satellite
Ducati à réaliser une pole position, son acte de bravoure est plus
anecdotique qu’historique. Dans le parc fermé, nul doute que
l’Australien pense d’ores et déjà à sa deuxième victoire, d’autant
que la météo n’annonce pas d’amélioration pour le lendemain.
Puis le dimanche vient la confusion. La course est
initialement annoncée « mouillée », et une majorité de
pilotes chaussent les pneus adaptés. Sauf Miller, premier, bien
décidé à partir en slicks. Cependant, et malgré l’annonce de la
direction de course quant aux conditions, beaucoup se ravisent et
jugent la piste assez sèche pour partir en pneus lisses. La
procédure habituelle voudrait que tous ceux qui changent d’avis
s’élancent de la voie des stands. Nous avions connu cela au
Sachsenring en 2014, et seulement neuf pilotes étaient partis
depuis la grille. Le problème, c’est que tous sauf Jack
Miller désirent un changement. Voir autant de pilotes
bouillants dans la voie des stands n’est pas assez sûr et dès lors,
la direction de course autorise ceux qui désirent troquer leur
gommes pluies à se replacer en grille, slicks chaussés.
Mais Miller se sent lésé, et il a raison ! Lui avait
fait son choix depuis le départ.
Pour lui laisser un avantage, on lui accorde cinq lignes d’avance
sur le deuxième, ce qui donne lieu à une photo historique, où
Miller, seul en tête, regarde ses poursuivants tout au fond de la
grille. En raison du retard accumulé, la course est raccourcie.
Fait encore plus surprenant : Sur la grille, Marc Márquez
cale, et redémarre sa moto seul, avant de se replacer
!
Une fois les feux éteints, Márquez se montre très à
l’aise. Il gagne des places rapidement, et se rapproche
inlassablement de la tête. La piste sèche, mais reste délicate au
possible. Dans l’avant-dernier virage, Johann Zarco tente
un dépassement osé sur Pedrosa. Les deux ne se touchent
pas, mais l’Espagnol écarte, et part en high-side dès la reprise
des gaz. Márquez, alors en tête, accepte sa pénalité liée à son
redémarrage sur la grille de départ, et ressort
19e après son ride-through.
Il passe dans une autre dimension. Marc est plus
vite que tout le monde, et veut absolument remonter sans perdre une
seconde. Lancé, il s’appuie sur Aleix Espargaró
dans ce même avant-dernier virage, un freinage sur l’angle
difficile. Miraculeusement, les deux ne chutent pas malgré le
contact. L’Espagnol fait le show, enchaîne les dépassements aussi
osés les uns que les autres. Devant, un petit groupe de quatre
anime la course. Il est composé de Álex Rins,
Jack Miller, Johann Zarco et
Cal Crutchlow, très en confiance sur le séchant.
Parti de la 10e position, l’Anglais et facile et s’affranchit de
ses concurrents. Toujours occupé à se jouer de la concurrence,
Márquez poursuit sa progression. Le voilà aux abords de Valentino
Rossi, son rival depuis 2015. Dans le même virage,
l’officiel Honda contrôle mal son geste, résultant en un block pass
dont seraient jaloux les meilleurs crossmen américains.
Rossi relève, écarte, et se retrouve dans l’herbe. Sur l’angle, il
chute à très basse vitesse. Immédiatement, il témoigne de
tout son énervement à Márquez, qui, en se retournant, tente de
s’excuser. Mais le mal est fait.
En tête, Miller a décroché, bientôt suivi par Rins. Seul Zarco est
en mesure de suivre le rythme imposé par Cal Crutchlow. Dans son
jour, rien ne peut arriver au Britannique. Il franchit la
ligne en tête et s’impose pour la troisième fois de sa carrière,
0.251’’ devant Johann, qui laisse ici s’échapper sa meilleure
chance de victoire en catégorie reine. Álex Rins complète
le podium.
Après l’arrivée, Marc Márquez veut bien faire et s’engage dans le
box Yamaha pour s’excuser. Immédiatement, Uccio et d’autres
lui barrent la route ; la relation entre les deux pilotes
légendaires n’est pas prête de s’améliorer. D’ailleurs,
Marc écope d’une pénalité de 30 secondes pour ce contact avec
Vale’, ce qui le place 18e. Ce Grand Prix entre immédiatement dans
la légende, et nul doute que l’on s’en souviendra de nombreuses
années encore.
Quels souvenirs avez-vous de cette journée du 8 avril 2018 ?
Dites-le nous en commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport