Après la saison 2022, ils sont 128 : c’est
le nombre de champions du monde différents qui ont marqué
l’histoire des Grands Prix motos, toutes catégories confondues. Ce
nombre peut paraître énorme, bien qu’il ne tienne pas compte des
side-cars, trop souvent oubliés. Pourtant, une bonne partie des
patronymes sont familiers. Être champion du monde, peu importe la
cylindrée, est l’accomplissement d’une vie. D’ailleurs, la majorité
des élus, sur les 74 ans d’histoire de l’organisation, ont aussi
performé au plus haut niveau, ou au moins, ont laissé une trace
suffisamment importante pour que l’on se souvienne d’eux. Mais ce
n’est pas le cas de tout le monde. Ensemble, revenons sur
les oubliés, ceux qui n’ont laissé que leur sacre
mondial.
Après avoir longuement évoqué Gábor Talmácsi dans le premier
volet, nous allons remonter le temps et nous pencher
non pas sur un, mais deux champions dont peu se souviennent. À
commencer par le néerlandais Henk van Kessel.
Contrairement à la Hongrie, les Pays-Bas ont donné naissance à tout
un tas de pilotes aussi talentueux les uns que les autres. En
catégorie reine, comment ne pas évoquer
Wil Hartog, pilote Suzuki à la fin des années 1970, ou
encore Jack Middelburg à la même période. C’est
l’un des natifs du pays qui fait figure d’épouvantail dans la plus
petite catégorie au début des années 1970 : la légende
Jan de Vries, deux fois titré en 1971 et 1973.
Mais il n’était pas le seul sur les performants
Kreidler. Henk van Kessel débarque en Grands Prix en
1972, en 50cc. Âgé de 26 ans déjà, il est tout de suite rapide. Dès
l’année suivante, il court deux catégories simultanément, un fait
assez courant à l’époque et surtout dans le monde des petites
cylindrées. S’il ne démérite pas en 125cc, la 50cc a sa préférence.
Il monte sur le podium à deux reprises, et termine 5e d’une année
dominée par son ami et compatriote Jan de
Vries.
L’année suivante, c’est la révélation. Doté des
machines officielles Van Veen Kreidler contre une opposition armée
de motos privées (et en l’absence de Jan de Vries et de Nieto), van
Kessel domine outrageusement la catégorie 50cc avec six victoires
en neuf courses disputées. Cette performance lui assure le titre de
champion du monde 1974. Comme pour Talmácsi, il
n’aurait pas dû apparaître dans cette série d’articles avec des
débuts aussi tonitruants. Malheureusement, la domination de
Ángel Nieto et un passage raté dans les catégories
supérieures mirent fin à la belle histoire.
Son épopée continua avec un succès relatif, marqué par une seule
victoire à l’occasion du Grand Prix de Belgique
1979 sur une Sparta 50cc. Malgré de nombreux autres
podiums, il ne domina plus jamais comme en 1974 et fit sa dernière
apparition au plus haut niveau en 1986, ce qui témoigne d’une
longue carrière. Dans l’ombre de son ami Jan de Vries, Henk
van Kessel est tristement oublié quand l’on évoque les spécialistes
des petites cylindrées.
Le deuxième pilote du jour connut une trajectoire tout à
fait différente, unique dans l’histoire. En effet,
Mario Lega ne compte que 36
courses disputées en carrière, pour une seule
victoire (!) Et pourtant, il s’agit bel et bien d’un
champion du monde. L’Italien débute au niveau national, comme
souvent. Mais contrairement aux plus prestigieux patronymes qui
bâtirent les Grands Prix motos, Lega mit un temps fou avant de
trouver un guidon à plein temps en mondial. S’il réalisa
ses débuts en 1966, il fallut attendre 1977 pour le voir doté d’une
place parmi l’élite.
Jusqu’ici, il avait effectué de nombreuses wildcards, parfois avec
succès. Sur Yamaha privée en 250cc comme en 350cc, il prend la
mesure de ses coriaces adversaires. La grille des quarts de litre
est bourrée de talents : Walter Villa et
Franco
Uncini sur Harley-Davidson, mais aussi
Kork Ballington, Jon Ekerold ou
encore Takazumi Katayama. En début de saison, il
affiche une forme correcte tandis que les principaux favoris
peinent considérablement, à commencer par Villa. Puis, l’impensable
se produit. Afin de remplacer Paolo Pileri chez
Morbidelli, Mario Lega est réquisitionné : Il change
de marque en plein milieu de saison, et pour le mieux.
Contre toute attente, sa régularité exemplaire lui permet
de figurer parmi les meilleurs à la mi-saison.
Lors du Grand Prix de Yougoslavie, il empoche même la victoire,
la première de sa carrière ! La gestion de la
fin de saison parfaite, avec trois autres podiums en Suède, en
Belgique et en Tchécoslovaquie lui assurent le titre devant Uncini,
futur champion du monde 500cc ! Il était le premier à être sacré en
ayant piloté deux machines différentes durant la même saison.
Quel accomplissement.
Puis, plus rien du tout. Alors qu’il courrait
toujours en 250cc et en 350cc, il ne remporta plus aucune course.
Il est, avec Jean-Louis Tournadre, le seul champion du
monde à ne compter qu’une seule victoire en carrière.
Malgré deux podiums lors de la saison 1978, l’étoile filante Mario
Lega raccrocha le cuir à la fin de l’année suivante pour reprendre
son travail… dans les télécommunications. Une destinée à peine
croyable pour le « Centaure de
Romagne », mais un titre acquis devant un parterre de
champions, ce n’est pas négligeable.
Qu’avez-vous pensé de ces deux pilotes ? Dites-le nous
en commentaires !
Photo de couverture : Henk van Kessel au Grand-Prix des Pays-Bas 1974. Photo : ANEFO