Après la saison 2022, ils sont 128 : C’est le
nombre de champions du monde différents qui ont marqué l’histoire
des Grands Prix motos, toutes catégories
confondues. Ce nombre peut paraître énorme, bien qu’il ne tienne
pas compte des side-cars, trop souvent oubliés.
Pourtant, une bonne partie des patronymes sont familiers. Être
champion du monde, peu importe la cylindrée, est l’accomplissement
d’une vie. D’ailleurs, la majorité des élus, sur les 74
ans d’histoire de l’organisation, ont aussi performé au
plus haut niveau, ou au moins, ont laissé une trace suffisamment
importante pour que l’on se souvienne d’eux. Mais ce n’est pas le
cas de tout le monde. Ensemble, revenons sur les oubliés,
ceux qui n’ont laissé que leur sacre mondial.
Pour ne pas trop remonter dans le temps, nous allons nous pencher
sur des hommes relativement récents (après 1969).
Pour commencer, évoquons la carrière d’un ancien pilote qui va
souffler ses 42 bougies seulement. Son nom : Gábor
Talmácsi.
Vous avez remarqué, à la lecture de son nom, que ces sonorités ne
sont pas communes en mondial. En effet, Gábor est
Hongrois, une nationalité sous-représentée dans notre
sport malgré le grand héritage culturel de ce riche pays. Le début
de sa carrière est tout à fait classique pour un champion : Débuts
fracassants au niveau national, puis wildcard en championnat du
monde 125cc à l’occasion du Grand Prix de République
Tchèque 1997.
Sa zone géographique ne lui permet pas de se confronter aux
meilleurs. C’est pour cette raison que Gábor devient itinérant sur
le vieux continent, jusqu’à trouver une place à temps plein pour
2001. Ses premiers tours de roue en tant que pilote du mondial ne
sont pas sensationnels, mais Talmácsi progresse. Après cinq
changements d’équipes successifs, le Hongrois se prend d’amour pour
la KTM officielle. La firme autrichienne croit en
son talent, et une fois de plus, ne se trompe pas. Podium en Chine,
puis première victoire en Italie, suivie de deux autres dans la
saison. Pourtant, sa carrière aurait pu prendre un tout
autre tournant à l’issue de cette campagne.
En effet, Gábor Talmácsi alla à l’encontre des
consignes de course, privant indirectement son coéquipier
Mika Kallio du titre après l’avoir dépassé pour la
victoire à Losail. Quatre manches plus tard, Thomas
Lüthi fut titré au nez et à la barbe du Finlandais pour…
cinq points seulement, soit l’écart entre la victoire et la
deuxième place au Qatar. KTM fit une croix sur le pilote hongrois,
qui dut se trouver une autre place pour 2006. Une année difficile
sur une Honda peu performante, mais un appel de Jorge
Martínez change la donne.
« Aspar », à la tête de la fameuse
équipe « Bancaja », offre un pont d’or
au hongrois après ses déconvenues. Et Gábor ne se fait pas
prier. Dès le début de saison, il se montre comme l’un des
plus rapides de la catégorie, cette fois sur une Aprilia au top.
Une régularité ahurissante le voit se démarquer, uniquement ralenti
par un problème mécanique en Grande-Bretagne. Seul Héctor
Faubel, son coéquipier, suit la cadence. Les deux ne se
lâchent pas toute l’année durant et un dénouement à Valence est
inévitable.
Talmácsi bénéficie d’un matelas de 10 points, une avance non
négligeable à ce stade. Devant la pression, « Talmaggedon » ne
tremble pas et transforme l’essai grâce à une deuxième place.
Il devient ainsi le premier champion du monde hongrois de
l’histoire, à ce jour le seul. Suite à ce franc succès, il
signe un nouveau contrat avec Martínez, qui lui promettait une
nouvelle année en 125cc avec un titre à défendre (un fait
assez rare) et un passage en 250cc pour 2009. Conserver le
titre dans des catégories aussi ouvertes et compétitives n’est pas
une mince affaire. Malgré trois victoires et six autres podiums,
Talmácsi perd son n°1 et ne finit « que »
troisième du général, dominé par notre Mike Di Meglio national et
Simone Corsi. Il faut tout de même se souvenir de
cette épique victoire à Assen, assurément l’un des
plus beaux finishs de la décennie.
Grosso modo, les choses se gâtent à partir de là.
Jusqu’à maintenant, rien ne prédestinait Gábor à apparaître dans
cette série d’articles. Le passage en 250cc est correct, mais une
brouille liée à des droits d’image le mène à une séparation brutale
avec l’équipe de Aspar. Puis l’impossible se produit. Avec l’appui
de son sponsor MOL Group, une compagnie pétrolière
hongroise, Scot Racing Team organise son passage en
MotoGP, anticipant les grandes difficultés financières de
Yuki Takahashi. Alors, bien sûr, inutile
d’attendre des bonnes performances quand on rejoint la catégorie
reine à mi-saison, et d’autant plus sur une Honda de fond de
grille. Talmácsi souffre, mais ne plie pas.
Le challenge était trop grand. Le Hongrois décide
de descendre d’une marche, et de retrouver le championnat du monde
Moto2 nouvellement introduit aux côtés d’un certain Andrea Iannone.
Sur châssis Speed Up, Gábor réalise une campagne
correcte, marquée par un podium à Aragón et une pole au Portugal.
Puis, plus rien. Devant l’incapacité de s’accorder avec une
nouvelle équipe pour la saison 2011, il décide de prendre
une année sabbatique. A 29 ans déjà, ce n’était pas la plus
brillante des idées. Jamais il ne retrouva de guidon en
Grands Prix motos, mais se tourna vers le championnat Supersport,
qu’il rejoignit à la mi-saison 2012, sans succès.
La saison 2013 ne démarrait pas mieux, mais un
terrible incident vint prématurément mettre fin à sa carrière. Au
Portugal, son moteur explosa et propulsa un morceau de métal à
travers sa jambe gauche, détruisant tout sur son passage. Il ne
quitta pas les paddocks pour autant, et dirigea même une équipe au
niveau européen jusqu’à fin 2015. Mais la disparition était
déjà actée.
Gábor Talmácsi tomba assez rapidement dans l’oubli, et quel dommage
au vu de sa formidable saison 2007. Une meilleure gestion de
carrière aurait pu le porter au sommet, mais malheureusement, le
haut niveau est extrêmement difficile, sans doute encore
plus quand vous n’êtes pas Espagnol ou Italien. Quels souvenirs
avez-vous de lui ? Dites-le nous en commentaires !
Photo de couverture : Jerko