C’est fini : Suzuki quitte le monde des Grands
Prix. Voici l’occasion de revenir sur les grandes dates du
projet depuis le retour de la firme d’Hamamatsu en 2015. Au cours
de ses huit années d’exploitation, la GSX-RR a connu de nombreux
succès. Des grands moments, suspendus dans le temps.
Vous pouvez trouver l’épisode d’hier en cliquant sur cette phrase
en surbrillance. Aujourd’hui, penchons-nous sur un
autre épisode doré de cette épopée ; le Grand Prix
d’Australie 2022.
Cet épisode différera quelque peu. En effet, la
manche de Phillip Island est encore récente, et personne ne
l’a oubliée. Cependant, impossible de l’omettre quand on
évoque l’ultime programme Suzuki.
Après le titre de Joan Mir en 2020, la marque a
conservé un bon niveau de performance. Le Majorquin réalisa une
belle année 2021, sans doute meilleure que sa campagne sacrée un an
auparavant. Une belle troisième place au championnat, qui éclipsa
la saison catastrophique de Álex Rins. Qu’on le veuille ou non,
Rins est sans aucun doute le pilote phare de la période
2015-2022 chez Suzuki. Certes, sa vilaine blessure début
2020 l’handicapa dans ce qui aurait dû être « son »
année, mais globalement, il s’est assez largement démarqué de ses
coéquipiers. L’Espagnol est rapide, explosif et dispose
d’un talent naturel qui ne laisse personne
indifférent.
Mais nous réitérons : Sa saison 2021 était juste
catastrophique. Rappelez-vous de cette série de quatre
chutes consécutives, avec pour conséquence une blessure qui
l’empêcha de tenir sa place à Barcelone. La folle année 2020 avait
vraiment bouleversé Álex. Silverstone 2019, course à laquelle nous
avons consacré un épisode, était loin. Avec seulement sept top 10
sur la saison (dont un podium acquis en Angleterre), il conclut
l’une de ses pires années en carrière.
Qu’attendre pour 2022 ? À seulement 26 ans,
Rins était-il déjà sur la pente descendante ? La GSX-RR avait
bien progressé pendant l’hiver. Nous avons tous en mémoire cette
image de la machine bleue qui dépasse une Ducati en pleine ligne
droite sous les projecteurs de Losail. Le quatre-cylindres en ligne
donnait, mais une bien triste nouvelle coupa net la belle dynamique
du début de saison.
En effet, Mir et Rins avaient plutôt bien commencé
l’année. Les deux gravitaient autour du podium, jusqu’à ce
que Suzuki dise « stop ». Si les rumeurs allaient bon
train avant même le Grand Prix d’Espagne, le secret – de
polichinelle – fut levé mi-juillet. Globalement, cette
annonce eut l’impact d’un coup au foie pour les pilotes, mais aussi
toute l’équipe. Rins retomba dans ses travers, et Mir,
décontenancé, enregistra bon nombre d’abandons. Le pire scénario se
produisit pour le champion du monde 2020, qui se blessa lourdement
en Autriche. Son coéquipier subit aussi de la malchance, comme si
cela ne suffisait pas : il savait été blessé quelques temps plus
tôt, fauché par Nakagami à l’approche du premier
virage lors du Grand Prix de Catalogne.
Alors, c’en est fini ? Suzuki va se retirer,
sans même une ultime célébration, et dans l’indifférence la plus
totale ? Pas du tout. Tout d’abord, et à la plus grande
surprise des pilotes, la firme d’Hamamatsu n’arrêta pas d’apporter
de nouvelles pièces, alors que leur départ était déjà programmé. Le
GP de Thaïlande achevé en 12e place pour Rins ne laissait aucun
suspens pour les trois dernières joutes. Pourtant,
l’impossible se produisit.
La piste de Phillip Island, comme Silverstone, est historiquement
favorable aux quatre cylindres en ligne. Les longues courbes face à
la mer avaient déjà porté chance à l’officiel Suzuki, qui s’y
sentait à l’aise. Mais il n’est pas le seul à apprécier ce
bijou, et personne n’aurait pu miser sur lui. D’ailleurs,
les essais libres ne laissent aucunement présager un quelconque
exploit. Même les qualifications ne montrent rien d’anormal, si ce
n’est le tour de
Jorge Martín venu d’un autre monde.
Mais dès les feux éteints, la magie opère. On sent
Rins apaisé, à l’aise, facile. La gestion des pneus et a
fortiori de l’arrière est critique sur l’île australienne, et
ce depuis longtemps. En début de course, un rythme plutôt lent et
conservateur s’installe, ce qui permet à Rins de se maintenir à
flot dans le bon groupe. Son pilotage différent lui offre des
trajectoires uniques, et une vitesse de passage en courbe
foudroyante. Jamais, dans le virage n°2 Southern Loop,
avait-on observé une telle différence de vitesse dans un seul
tournant. Álex est simplement ahurissant. Marc
Márquez et Francesco Bagnaia, plutôt sur
la défensive, ne peuvent rivaliser. Marco
Bezzecchi, qui n’a rien à perdre, est un peu trop loin
pour tenter quoi que ce soit.
Le groupe reste compact jusqu’au dernier tour et d’ailleurs, moins
d’une seconde sépare le top 7 à l’arrivée. Mais bien avant la
présentation du drapeau à damier, cela ne fait plus aucun
doute : Rins va la prendre, c’est écrit.
Cette victoire est à la fois merveilleuse, car elle conclut
l’épopée Suzuki de la plus belle des manières ; au terme d’une
bagarre d’anthologie. On ne savait pas encore que la GSX-RR frappée
du n°42 allait de nouveau réaliser
l’exploit à Valence, mais ce triomphe à Phillip Island
est émotionnellement plus fort car le scénario n’est que plus
grand.
Mais en même temps triste, car nous ne reverrons plus ce
constructeur historique, dont l’histoire fut jalonnée de héros à
l’image de Barry
Sheene, Wil
Hartog, Pat
Hennen ou
Kevin Schwantz, croiser le fer avec les autres. De
même, Álex Rins aura du mal à réitérer au guidon d’une Honda LCR
bien moins performante. Le Grand Prix d’Australie 2022 sonne comme
un adieu à la flamboyance, mais cette performance que le équipe
Suz’ n’espérait plus est aussi un grand moment d’histoire. Encore
une fois, merci pour tout, et
Sayonara !
Qu’avez-vous pensé de cette course épique au
possible ? Plus largement, que retiendrez-vous de
l’aventure Suzuki (2015-2022) ? Dites-le nous en
commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport