Carlo Pernat revendique 36 ans de carrière dans le paddock des Grands Prix moto, y compris à de hautes fonctions chez Aprilia. A présent manager d’Enea Bastianini et de Tony Arbolino, il a vu naître l’ambition Ducati avec les frères Castiglioni et toute cette culture le légitime à prendre des positions qui, pour la plupart du temps, agacent. L’Italien n’a pas ménagé récemment Dorna et plus exactement égratigné Carmelo Ezpeleta sur sa gestion du présent et sa vision de l’avenir. Mais ici, Carlo Pernat regarde le passé en mettant en exergue un Andrea Iannone qu’il a déjà identifié comme sa plus grande déception en tant que manager. Quand on lit ce qui suit, on comprend pourquoi…
Entre Carlo Pernat et Andrea Iannone, il y avait cette connivence dans l’abord de la Dolce Vita qui rendait le duo intéressant. Cependant, l’aîné avait du discernement, qu’il n’a pas réussi à inculquer au cadet qui aimait le soufre, les paillettes, et les décisions à l’emporte-pièce. Cela l’a amené là où il en est aujourd’hui, alors qu’il avait tout pour prendre une autre voie qui aurait peut-être changé le cours de l’histoire de beaucoup de protagonistes…
Sur GPOne, on découvre ainsi cette confidence de Carlo Pernat : « en 2017, malgré le gâchis du Grand Prix d’Argentine au dernier virage avec Iannone contre Dovizioso, Ducati avait décidé de choisir Iannone » raconte l’Italien. « Ils nous ont appelés un lundi matin. Le premier appel téléphonique était de Claudio Domenicali et Gigi Dall’Igna a annoncé à Iannone qu’il fallait qu’il se rende à Borgo Panigale ». Et là, coup de théâtre : « ils lui ont proposé une somme qui ne lui convenait pas, il a refusé cette somme et il est parti ».
Pernat ajoute : « cinq minutes plus tard, Ducati a appelé Dovizioso, qui a accepté le montant, car il avait compris qu’il y avait une nouvelle direction et que la moto devenait très compétitive. C’était juste l’erreur d’Andrea. Je lui avais conseillé d’accepter, et qu’il pouvait après prendre un peu plus. Domenicali m’a également appelé en premier pour me dire : « c’est l’offre, mais sachez que je vais mettre quelque chose de plus ». Un plus pas sorti de sa propre poche, mais avec un autre budget ».
Carlo Pernat : « Ducati a proposé à Iannone une somme qui ne lui convenait pas, cinq minutes après ils ont appelé Dovizioso, qui l’a acceptée«
Le manager a encore ce moment en mémoire, avec les conséquences qui auraient pu en découler si Andrea Iannone avait compris la situation : « pensez à la façon dont peut-être Iannone, lui aussi, aurait changé l’histoire de Ducati. Je ne sais pas s’il aurait gagné contre Marc Marquez, probablement pas, cependant, il faut aussi dire que Marquez avait toujours dit que Iannone était le seul pilote qu’il craignait. Au corps à corps, en Moto2, il l’a battu plusieurs fois ».
Mais au fait, quel est donc ce gâchis argentin précité ? Carlo Pernat le rappelle. Et il s’en souvient d’autant mieux qu’après que Iannone ait coupé en deux son équipier Dovizioso dans le dernier virage pour le gain de la deuxième place, excluant de fait, les deux Ducati officielles du podium, Gigi Dall’Igna était dans un état second qui a pétrifié tout le stand en rouge : « il est entré en furie et pour la première fois je l’ai entendu crier… Gigi ne crie jamais, je ne pense pas l’avoir jamais entendu crier depuis ».
« Il s’est tourné vers Battistella (manager de Dovi) et moi-même, pour que tout le monde puisse entendre : « qu’on ne parle pas de contrat, même pas pendant trois mois ! ». Il criait, le visage rouge. Et il est parti. Je ne l’ai jamais vu aussi en colère de ma vie. Je connais Gigi depuis 92, quand il a été embauché par Aprilia, il n’a jamais crié de sa vie. J’étais au muret et je n’avais rien vu de la scène, mais ensuite on a vu l’accident à l’écran, j’ai eu envie de m’enfoncer sous terre » conclu-t-il sur cet épisode.