Nous poursuivons notre rétrospective de la saison de
chaque pilote, du dernier jusqu’à Pecco Bagnaia. Pour
apprécier la performance de nos héros, regarder leur place au
général ne suffit pas. Ainsi, nous allons nous pencher sur les
dynamiques, le contexte, les qualifications, l’attente que le
pilote en question suscitait pour juger sa campagne. Hier, c’était
la saison de
Aleix Espargaró qui était à l’honneur.
Vous pouvez retrouver l’article correspondant en cliquant sur cette
phrase en surbrillance.
Pour rappel, cet avis reste subjectif, et ne reflète que la
pensée de son auteur.
I) (Presque) rien à redire
Contrairement à tous les autres pilotes étudiés au cours de cette
série d’article, nous devons reconnaître que les mots manquent pour
décrire la performance de Enea Bastianini cette
année. En effet, il n’y rien à redire, ou presque.
« Bestia » nous a gratifié d’une
campagne quasi-parfaite.
Une fois n’est pas coutume, commençons par ce qui n’a pas
fonctionné. En clair, essayons de déterminer ce qu’il lui a manqué
pour être titré champion du monde, car oui, dans sa deuxième
saison, c’est déjà de quoi il retourne. Tout d’abord, il faut
rappeler que Bastianini disposait d’une des meilleures machines de
l’histoire des Grands Prix pour sa deuxième année d’exploitation.
La Desmosedici GP21, bien connue, était létale sur la première
partie de saison et sans doute plus facile à faire fonctionner que
la GP22. Cette machine avait la capacité de performer peu importe
les conditions météo, les pneumatiques ou le type de tracé.
Pourtant, Bastianini a considérablement peiné dans un
domaine en particulier. Bien sûr, depuis l’avènement de
l’ECU unique en 2016, il est plus difficile d’afficher une belle
régularité dans la performance et donc de conserver la bonne
dynamique, car peu de pilotes peuvent prétendre aux places qui
rapportent gros. Mais dans le cas de « Bestia »,
cela aurait pu devenir problématique.
En effet, il connut pas mal de déboires sur certains tracés, ce qui
tranchait avec d’autres prouesses dont on reparlera par la suite.
En Argentine, notamment, mais aussi à
Jerez avec un weekend compliqué. De plus, on ne
note pas d’amélioration conséquente dans ce domaine au fil de la
saison : il faudra donc surveiller ce paramètre avec la plus grande
attention en 2023.
II) Nous pinaillons
Certes, c’est un véritable point faible et nul doute que Bastianini
en personne est au courant, surtout quand l’on établit des
comparaisons avec son futur coéquipier Pecco Bagnaia qui ne souffre
pas de cette difficulté. Mais globalement, nous ne retenons que du
positif.
Est-il le meilleur pilote privé de l’ère
MotoGP ? Nous en avons discuté dans les commentaires,
et même si les Melandri 2005, Zarco
2017/18 ou encore Crutchlow 2013
reviennent fréquemment, nul doute qu’il est bien placé dans ce
classement subsidiaire. Est-il le meilleur outsider de tous
les temps ? Malgré de belles promesses en 2021, il
était difficile de prévoir une telle progression en si peu de
temps. Il a doublé son total de points (de 102 à
219). Puis, cerise sur le gâteau, pris la
troisième place au championnat – comme nous l’avions pronostiqué –
acquise dans les derniers instants. Par respect pour
Fabio Di Giannantonio, nous n’allons même pas parler
du duel entre équipiers, cela serait inutile.
Le verdict de la piste est sensiblement similaire. Bastianini était
le deuxième meilleur performer cette année, et profitait d’une
vitesse rarement observée au plus haut niveau. Au delà de sa fougue
et de sa personnalité marquée, nous avons découvert un pilote
mature, capable de réaliser des courses d’attrition pleines de
sens, notamment au Mans, à Misano, en Aragón et à Sepang. S’il ne
compte « qu’une » pole position en Autriche, il n’en reste pas
moins un poison le samedi. Par ailleurs, le format sprint
lui correspond parfaitement. Nul doute qu’il faudra
compter sur lui dès la reprise du championnat.
Explosivité, duels, rythme, dépassements, caractère…
Bastianini, à seulement 24 ans, a tout d’une légende. Nous
avons réellement l’impression d’observer un futur grand, avec la
capacité de marquer son sport durablement. « Bestia »,
c’est aussi ça, une nature que n’a pas Bagnaia, par exemple, sans
lui manquer de respect. Par ailleurs, les parallèles entre les deux
pilotes se tiennent mais contrairement à la tendance générale, nous
pensons, à l’heure où ces lignes sont écrites, que le champion du
monde 2022 est encore assez confortablement devant dans la
hiérarchie des pilotes.
Conclusion :
Enea Bastianini est énorme. Quelque part, il est
l’anti-Bagnaia. D’ailleurs, et même si c’est dur à admettre, il est
le pilote qui a posé le plus de problèmes à l’officiel Ducati cette
saison, bien plus que Quartararo. La réunion des
deux dans la même équipe l’an prochain fait rêver. Sans aucun
doute, le duo le plus fort depuis la paire Lorenzo – Rossi
2013-2015. Ducati a fait un choix fort mais osé en les
réunissant, et pour être honnêtes, nous ne voyons pas comment cela
pourrait ne pas fonctionner. Bagnaia devra faire attention à ne pas
se faire aspirer par la forte personnalité de Bastianini, qui
tranche avec celle de l’école VR46, des pilotes charismatiques,
mais assez discrets et qui peuvent subir l’environnement MotoGP
plus que le marquer (Morbidelli, Marini, Bezzecchi, Bagnaia).
« Bestia » ne se posera pas la question, et aura
les crocs à chacun des 42 (!) départs.
Qu’avez-vous pensé de sa saison ? En tout cas, nous sommes
convaincus. Dites-nous tout en
commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport