La compétition moto n’atteindra malheureusement jamais le risque zéro, mais en MotoGP comme dans les autres disciplines, équipementiers et organisateurs œuvrent sans relâche pour réduire celui-ci au minimum. Dorna Sports n’est d’ailleurs pas en reste et travaille pour mettre au point un nouveau système de détection d’accident et d’avertissement des pilotes qui devrait être opérationnel dans toutes les catégories du MotoGP dès l’année prochaine.
Cela est en ligne avec l’annonce faite, en octobre 2021, d’accroître la sécurité de tous ceux qui sont sur la piste en informant le plus tôt possible les pilotes ou les motos qu’un accident s’est produit, via des systèmes d’avertissement automatiques quasi instantanés. Le directeur de la technologie du MotoGP, Corrado Cecchinelli, a longuement expliqué au journaliste Peter McLaren comment cela fonctionnait, dans une très longue mais intéressante interview pour Crash.net.
Le système imaginé doit répondre à un cahier des charges bien précis et, après quelques essais, se décompose en deux processus: détecter une chute et informer les pilotes.
Le premier est automatique et peut sembler simple, puisque même votre moto est généralement équipée d’un capteur de chute pour couper l’allumage. Sauf qu’en MotoGP, avec les angles pris par les pilotes, rien n’est vraiment simple…
Corrado Cecchinelli explique : « Le
principe de base est d’avoir, sur chaque machine de toutes les
catégories, un système capable de détecter un crash. Par système,
j’entends un matériel et un logiciel, qui envoient ensuite un
signal à la direction de course. Le matériel est, pour le moment,
un « capteur de chute virtuel » que nous construisons à
partir des signaux de l’IMU. Nous n’avons pas de capteur de chute
[physique], mais nous utilisons les signaux de l’IMU pour
construire un capteur de chute virtuel. Nous considérons également
– et cela devient très technique – la position de la moto et aussi
la vitesse à laquelle elle tombe, parce qu’un problème est
qu’attendre que la moto soit au sol était trop long. Nous avons
donc dû mettre en œuvre quelque chose qui n’est pas une prédiction,
mais c’est un dérivé [taux de changement]. Donc, si vous vous
penchez trop vite par rapport à la vitesse à laquelle vous vous
penchez dans des conditions normales, cela déclenche un signal de
« crash ». Il ne s’agit pas vraiment de prévoir, mais de
détecter un crash avant de toucher le sol. Ce que font également
les systèmes d’airbags : ceux-ci fonctionnent avant de toucher le
sol. Mais vous ne voulez pas de faux positifs, donc c’est un peu
délicat.
C’est possible car nous aurons désormais un dispositif sur
toutes les machines capable d’envoyer et de recevoir [des signaux]
en continu. Le dispositif actuel installé sur les motos pour le
chronométrage des tours, etc., n’envoie des données que lorsque la
moto traverse une boucle [de chronométrage]. Ce qui n’est souvent
pas suffisant pour ce système. Vous devez avoir quelque chose qui
échange continuellement des données avec l’infrastructure de la
piste en temps réel.
Ainsi, lorsqu’un accident est détecté sur la moto, il envoie un
signal « crash oui » au chronométrage. Le système de
chronométrage répond alors en renvoyant un signal à la moto tombée
ainsi qu’aux autres motos dans une «zone de danger» donnée autour
de la moto accidentée pour activer un avertissement pour les
coureurs suivants.
C’est clairement un projet en deux étapes : La première étape
consiste à détecter le crash et à recevoir un signal de retour du
chronométrage. Ensuite, la deuxième étape est ce que vous faites
avec ce signal de retour. »
A cet égard, une première version sera disponible dès 2023 avec le feu rouge des motos qui s’allumera pour prévenir les pilotes dans une zone qui contient une chute détectée.
« Le type de méthode d’avertissement pour les coureurs
suivants est divisé entre ce que nous allons faire immédiatement et
le plan pour l’avenir. Dans un premier temps, lorsque vous entrez
dans la zone de danger, nous allons allumer le feu de pluie
arrière, en mode clignotant. Cela devrait être actif l’année
prochaine. Il y a bien sûr beaucoup d’incertitude quant à savoir si
le feu arrière sera suffisamment visible. Nous pensons que ce sera
le cas et de toute façon il est très important de tester tout le
système. Mais le feu de pluie arrière n’est pas notre objectif
final. C’est bien mieux que rien, mais c’est plus ou moins un test
de tout le système : Détection de crash, envoi du signal au
chronométrage et renvoi d’une commande.
Il existe un potentiel presque illimité d’améliorations par
rapport à la version initiale, en fonction également de la
technologie future. Par exemple, le principe est d’éviter de rouler
sur une moto ou un pilote accidenté. Par conséquent, nous pourrions
ajouter un deuxième système sur le pilote, ainsi que sur la moto,
et également développer un moyen de surveiller exactement où chacun
d’eux se trouve par rapport à la piste. Ensuite, vous pourriez
passer à un système plus raffiné où si la moto ou le pilote sont au
sol et sur la piste, vous déclenchez l’avertissement de « zone
de danger ». Mais pas si le pilote tombé et la moto sont à 100
mètres de la piste. Parce que ce qui peut arriver avec la version
initiale, c’est que vous avez une moto accidentée complètement hors
de danger – la moto pourrait être hors de la piste et peut-être
déjà entre les mains des commissaires – mais elle sera toujours
considéré comme une « zone de danger » avec des lumières
arrière clignotantes. Ce sera donc plus sûr que nécessaire pour
commencer, ce qui est bien, mais excessif. Notre objectif final
n’est pas seulement d’allumer le feu arrière, mais aussi de faire
quelque chose pour vraiment attirer l’attention du pilote, ce qui
est une chose dangereuse à faire, donc nous prenons notre temps. :
un bip, des alarmes sonores, un affichage tête-haute, un tableau de
bord clignotant ou tout ce que vous pouvez imaginer est la
prochaine étape. Pour moi, ce sera la plus grande amélioration du
système de sécurité. L’idée est de faire un certain nombre de
choses pour qu’au moins une soit efficace pour attirer l’attention
des coureurs, car nous parlons d’essayer de leur sauver la
vie. »
Corrado Cecchinelli détaille encore davantage la démarche développée sur Crash.net, mais on comprend d’ores et déjà le système développé, et on ne peut qu’applaudir des deux mains : 1 106 chutes ont été déplorées en 2022, rien que pour les catégories MotoGP, Moto2 et Moto3, et si la plupart d’entre elles n’ont pas occasionnées de gros dommages aux pilotes concernés grâce à l’amélioration du matériel, on ne peut jamais oublier les drames qui surviennent encore quand un pilote arrive « pleine balle » et totalement impuissant sur un homme à terre…
Il sera très difficile, voire impossible, d’éliminer totalement ce genre de situation, mais le système actuellement développé par Dorna Sports pour toutes les catégories qu’elle gère, y compris les formules de promotion, semble être une belle avancée du niveau de sécurité offert aux pilotes !