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Voici une question que l’on aurait jamais penser poser avec sérieux. KTM et Red Bull, incubateurs de talents en sports mécaniques, n’en font-ils pas trop ? Est-ce une bonne ou une mauvaise chose pour l’équilibre des Grands Prix ? Analyse en plusieurs points.

Cet article est le dernier d’un triptyque qui présente le renouvellement de l’écosystème en MotoGP. Afin de comprendre les tenants et les aboutissants de cette analyse, nous vous recommandons vivement de lire les deux premiers chapitres. À savoir l’explication théorique et le problème évident qu’un mauvais équilibre de l’environnement pose (cliquez ici), ainsi que l’obstruction du marché des transferts que le phénomène favorise (cliquez ici).

Cette troisième partie sera différente, car elle présentera le pour et le contre de la politique employée par KTM et Red Bull. Nous n’avons strictement rien contre ces marques autrichiennes, bien au contraire, mais la situation du team cristallise parfaitement le troisième enjeu lié au mauvais équilibre de la grille en MotoGP : le rôle grandissant des académies.

I) KTM remplit son rôle, rien de plus

Finalement, que reproche-t-on à KTM ? En effet, de nombreuses critiques fusent quant à l’exploitation des nouveau talents, passés, pour la plupart, par les équipes Moto3 et Moto2. En réalité, c’est, comme souvent dans l’histoire des sports mécaniques, le prétendu aspect corporatif de la démarche qui gène les observateurs.

L’on imagine KTM mais surtout Red Bull, de par ses agissements en Formule 1 (nous en rediscuterons plus tard) comme des grosses entreprises avides de talents, qui sacrifieraient n’importe quel pilote au moindre faux pas. La réalité est tout autre. Dans les faits, KTM se présente comme une entreprise très impliquée dans la moto, pas que sur piste d’ailleurs. La course est définitivement dans l’ADN de la marque, ce n’est même plus à discuter. Pour Red Bull, c’est la même chose. Souvent critiquée, la firme a offert un véritable renouveau dans le paysage sportif en général, les sports mécaniques étant privilégiés par les pontes comme le regretté Dietrich Mateschitz.

 

Remy Gardner, sacrifié ? Photo : Michelin Motorsport

 

Oui, KTM cherche constamment la nouvelle pépite, et profite largement de son influence dans les petites catégories pour créer des « carrières ». Mais n’est ce pas la meilleure façon d’avancer ? Reprenons. Sur les dernières années, Brad Binder, Miguel Oliveira, Pedro Acosta, Augusto & Raúl Fernández et Remy Gardner représentent le projet et l’idée que l’on s’en fait. Tous sont de très bons pilotes, et KTM a entièrement raison de les développer.

Personne n’empêche les autres marques de faire de même. KTM participe au nivellement par le haut, car c’est, d’un point de vue parfaitement objectif, la manière la plus efficace de gagner. L’exemple de la Formule 1, où l’académie Red Bull (comme toutes les autres équipes engagées, à la différence de la MotoGP) fait émerger des talents depuis près de 15 ans est criant.

Est-ce la faute de KTM si Honda ne peut même plus rivaliser en Moto3 ? L’on dénombrait seulement trois japonaises dans le top 10 en 2022. Le dernier titre pilote sur une machine ailée remonte à 2019 grâce à Lorenzo Dalla Porta, par ailleurs abandonné à Italtrans Racing Team en Moto2. Peut-on reprocher à Ajo d’être aussi fort en Moto2, quand toutes les motos de pointe sont identiques ? Le nivellement par le bas est assez dangereux, pas qu’en sports motos d’ailleurs. Les autres n’ont qu’à faire mieux, et les Autrichiens n’y peuvent rien. Ainsi, la démarche de KTM n’est pas blâmable.

II) Oui … mais

Cependant, cet avis volontairement radical ne représente qu’une partie du sujet. Car si ce modèle est le meilleur, sans contestation possible, ce n’est certainement pas le cas pour la discipline. En Formule 1, Red Bull traite ses pilotes de manière questionnable selon Pierre Gasly. Nous avons vu, à plusieurs reprises, des promotions comme des évincements en plein milieu de saison. Qu’on le veuille ou non, c’est ce phénomène qui met à mal l’équilibre. Cela débouche sur une recherche permanente du nouveau prodige, quitte à pousser vers la sortie des pilotes forts qui ne répondent pas exactement aux critères.

 

Brad Binder portera t-il le projet KTM tout seul, désormais sans Miguel Oliveira. Photo : Michelin Motorsport

 

Attention : Nous ne sommes pas en train de dire que c’est ce que KTM met à l’œuvre en ce moment. Mais deux éléments distincts doivent alerter. Premièrement, le cas Remy Gardner. Après seulement une année au plus haut niveau, le champion du monde Moto2 2021 doit déjà trouver un guidon en WSBK pour 2023. Une situation qui attriste forcément tous les fans de Grands Prix, y compris certains pilotes. Deuxièmement, la signature de Jack Miller au sein de l’équipe officielle. Miller est un pilote fort, mais parfait dans un rôle de deuxième pilote (nous avons consacré une analyse entière à ce sujet). C’est comme si, avec Binder, KTM avait trouvé son « Max Verstappen ». Il y a peu de chances que Miller aille challenger le Sud-Africain sur une saison entière.

Ces deux actions tendent vers le modèle « Formule 1 », qui, pour la pérennité d’un sport, n’est pas optimal. La F1 se ferme, délivre des contrats de plus en plus longs aux pépites sur lesquelles elle a misé, et les jeunes qui montent, tous trop forts, ne peuvent plus s’exprimer.

Conclusion :

KTM a raison de promouvoir des talents. D’ailleurs, Albert Arenas débarque chez Ajo en Moto2 pour la saison 2023, et nul doute qu’il sera compétitif. Sur le principe, c’est une bonne chose que de développer des pilotes en devenir, d’autant plus que la firme autrichienne ne propose que du bon matériel pour ses hommes. Faire partie de la famille KTM est un privilège, mais il faut simplement savoir dans quoi on s’engage ; un environnement performant mais pour une durée indéterminée. Si KTM a des antécédents, le cas Arnaud Vincent, limogé en plein milieu de saison 2003, huit mois après un titre de champion du monde 125cc, et plus récemment le traitement du cas Gardner, personne ne met un couteau sous la gorge des pilotes en leur demandant de signer le contrat.

Cependant, et comme souvent dans la vie, la recherche de l’efficience de l’élément s’oppose au bien de l’ensemble. Le renouvellement de l’environnement MotoGP en prend un coup, mais KTM ne désire que le résultat. On ne peut pas leur reprocher de vouloir gagner. DORNA doit être en mesure de limiter ces agissements, et devra trouver des solutions dans le futur proche afin de renier définitivement le modèle Formule 1.

Ces trois articles ne visent aucun constructeur, car tous sont responsables d’un changement avéré. Mais la pérennité de l’écosystème MotoGP dépendra assurément du traitement de cette question par les plus hautes instances dans les années à venir.

Que pensez-vous de KTM et de son programme sportif ? Dites-le nous en commentaires !

 

Jack Miller en renfort pour Brad Binder plus qu’en électron libre, c »est certain. Photo : Michelin Motorsport

Photo de couverture : Michelin Motorsport

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