Dimanche, Álex Rins s’est – de nouveau –
imposé, et toujours dans l’indifférence la plus totale. Quelque
part, c’est logique ; la réalisation internationale, plutôt
tournée vers les acteurs du championnat, n’aurait rien gagné à
montrer la course exceptionnelle de l’ex-officiel Suzuki, en tête
du début à la fin, ou presque. Cette victoire, plus que
toutes les autres cette année, laisse un goût amer.
I) Le meilleur Rins de tous les temps ?
Depuis Phillip Island, Rins est transformé. Si
nous l’évoquions dans les éléments à surveiller après sa belle
course de Sepang passée sous les radars, personne ne pouvait
imaginer qu’il aille de nouveau voler la vedette aux
Ducati et à Marc Márquez,
pressenti favori.
Parti cinquième après un passage par la Q1, il réalisa une course
mature, et imposa son rythme tout au long de l’épreuve. D’ailleurs,
il paraissait même intenable puisque le groupe derrière, arrivé la
mi-course, se faisait sensiblement distancer. Dès lors, on
imaginait plus Jack Miller, Marc
Márquez et Jorge Martín le rattraper.
D’ailleurs, deux de ces trois larrons sont partis à la faute sur
une piste qui, comme d’habitude, provoqua beaucoup d’abandons.
La question se pose alors : n’a-t-on pas vu évoluer, sur
cette toute fin de saison, la meilleure version de Rins en
catégorie reine ? C’est loin d’être impossible. Pour
cela, il faudrait comparer sa remontée lors du championnat 2020 et
ses trois podiums consécutifs. Cependant, dans cette saison
particulière, il connut de très bons résultats sur deux pistes
différentes seulement, avec une machine titrée aux mains de
Joan Mir. À bien des égards, c’est décevant, car
au vu de son talent, il aurait dû jouer tout devant cette année là.
En 2019, Álex remporta également deux courses dont une légendaire à
Silverstone. Mais jamais il ne se montra aussi sûr de lui que lors
de ces trois derniers Grands Prix, comme libéré, sur une machine
qui ne jouait plus rien depuis sa blessure.
II) Quel dommage
L’année de Suzuki est gâchée. Nous aurons
l’occasion d’en reparler dans notre rétrospective de la saison de
chaque pilote, mais force est de constater que cette victoire en
particulier fait plus mal que les autres.
À chaud, l’Espagnol confia que la marque ne pouvait pas
« mieux terminer la saison ». En réalité, nous
supposons qu’elle n’aurait pas pu terminer de pire manière. Suzuki
montre au monde entier, en se retirant de la compétition avec une
machine qui gagne, que la MotoGP n’est plus aussi attractive
qu’avant.
Il est dur de l’admettre. Mais la montée en
puissance des constructeurs européens n’a pu se faire sans la
descente aux enfers des Japonais, entamée depuis 2017 avec le
déclin majeur de Yamaha. Certes, me direz-vous, des pilotes sont
venus compenser ce cruel manque d’implication au pays du
Soleil-Levant, avec Mir et
Quartararo notamment. En réalité, ces titres
reflètent mal la physionomie du championnat et ces deux hommes,
avec Márquez, étaient les arbres qui cachaient la
forêt. Depuis 2017, que proposent les constructeurs japonais en
Grands Prix ? Jamais, même sur une série de quatre à cinq
courses, l’une de ces firmes ne s’est montré sous son meilleur
jour, s’en remettant trop souvent à l’exploit individuel. Même
KTM compte une progression bien meilleure, quand
Yamaha, dans son développement, stagne et connaît de nombreux
problèmes depuis le départ de Jorge Lorenzo.
Quel dommage de voir une si belle machine, si performante, s’en
aller maintenant, quand Rins entrait, à 26 ans seulement, dans la
meilleure période de sa carrière. Nos pensées se dirigent vers
toutes les équipes, les mécanos, les ingénieurs, qui doivent
assister, impuissants, au retrait de la marque à un moment clé.
« La nécessité de concentrer ses efforts sur les grands
changements auxquels le monde de l’industrie motorisée est
confronté », soit la raison invoquée par la firme
d’Hamamatsu, pourrait bien porter atteinte à l’intégrité même du
plateau et du sport dans les années à venir.
Nous ne sommes pas là pour déterminer si l’acte est
légitime ou non, libre à vous de vous faire votre avis.
Mais nous ne pouvons que regretter qu’un constructeur, si important
dans l’histoire des Grands Prix, s’en aille en étant toujours au
meilleur niveau. C’est un fait rarissime, toutes catégories
confondues.
C’est pourquoi ce succès de Rins, si symbolique, est plus triste
qu’autre chose. C’est la victoire du sport, de l’homme,
face aux décisions des pontes. C’est le cri du cœur d’une
merveilleuse machine se rebellant contre ses patrons. Ému
à l’arrivée, Rins sait déjà que de mauvais jours l’attendent.
Verrons-nous encore cet exceptionnel pilote triompher, lui qui
retrouvera une Honda (apparemment) mal née, parfois hors de la
course aux points ? Difficile à dire.
Qu’avez-vous pensé de la prestation d’Álex Rins à Valence ?
Dites-le nous dans les commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport