La saison de Jorge Martín est globalement décevante. Après une campagne 2021 marquée par une victoire en Autriche et une vitesse folle, l’on s’attendait logiquement à le voir performer au plus haut niveau cette saison, pourquoi pas jouer le podium au championnat, et signer chez Ducati Team à la place de Miller. Mais finalement, rien de tout cela n’est arrivé. Cependant, sa contre-performance de dimanche ne doit pas éclipser son immense talent. Ensemble, analysons en plusieurs points pourquoi Martín fait – toujours – partie de l’élite.
I) Une vitesse hors-norme
Sur le plan de la vitesse pure, il est peut-être le meilleur pilote du monde. Rien que ça. Cette saison, Pecco Bagnaia est à son niveau, mais globalement, la vélocité de Martín est ahurissante. À Sepang, il nous gratifie d’un tour d’anthologie, et explose le record précédemment détenu par Fabio Quartararo. Mine de rien, il s’agit déjà de sa quatrième pole cette année, soit une de moins que Pecco.
Il faut garder à l’esprit qu’il ne s’agit que de sa deuxième saison en catégorie reine. Dans une ère très compétitive et sur une Desmosedici partagée par des monstres de vitesse, il est déjà titulaire de huit pole positions. Sur les saisons 2021 et 2022, seul Bagnaia, encore lui, fait mieux avec 11. Pour comparaison, Rossi en comptait quatre, Pedrosa neuf, Lorenzo neuf et Stoner six au même moment dans leurs carrières respectives. Même si les parallèles entre l’époque pré-ECU unique et la MotoGP moderne sont difficiles, cela vous place le bonhomme. D’autant que les légendes citées avaient pour la plupart des motos aussi – voire plus – performantes par rapport au reste du plateau.
Étonnement, Jorge Martín n’engrange pas beaucoup de meilleurs tours en course. Il en compte deux cette année, dont un réalisé en Malaisie avant son accident lié à un rythme trop élevé. Mais globalement, le premier vainqueur pour Pramac en MotoGP est capable d’enfoncer le clou, en apportant de la pression en course. En plus de cela, il a confié en Thaïlande avoir changé son approche, freinant beaucoup plus tard qu’avant, ce qui lui donnerait un avantage certain en paquet bien qu’il n’ait jamais eu de lacunes dans ce domaine.
II) Un manque de régularité trop important ?
Alors, certes, nous anticipons votre remarque tout à fait légitime : Sans régularité, la vitesse n’est rien. L’exemple de Sepang vous donne en partie raison. Cependant, comme nous l’avons étudié dans un autre article, il ne faut pas confondre un pilote « irrégulier » et un pilote qui « chute souvent ». Martín souffre du second symptôme, mais certainement pas du premier. La régularité dans la performance, c’est à dire la capacité à toujours terminer dans de bonnes positions est le paramètre le plus important dans la quête de performance.
« Martinator » coche cette case. Quand il finit sur ses roues, il est généralement situé à la sixième place en moyenne (10,5 points par course quand il voit l’arrivée). Un très bon résultat. Bien sûr, les chutes font partie intégrante du sport moto, et il ne faut pas les balayer d’un revers de main. L’Espagnol est beaucoup tombé, mais surtout en début de saison. Après cinq chutes en sept courses, il n’a plus fait d’erreurs jusqu’à dimanche dernier. La progression est remarquable.
Comme nous l’avons statué dans une précédente analyse, les chutes sont de moins en moins disqualifiantes. Cette année, si Bagnaia est titré, nous aurons par ailleurs un champion du monde MotoGP avec cinq résultats blancs, un record qui valide cette théorie. Ainsi, Jorge Martín est l’archétype du champion MotoGP des années futures. Un pilote explosif, jeune, diablement rapide et qui peut se permettre de chuter quatre, cinq fois dans une saison. Les courses sprint, l’an prochain, ne feront qu’accentuer le phénomène car le simple fait de ne pas chuter, comme Aleix Espargaró cette saison, ne suffira plus sur 42 courses dans l’espoir de décrocher le Graal. À l’échelle d’une carrière, il est toujours plus facile d’apprendre à se freiner que d’aller plus vite. Ainsi, si Martín arrive à canaliser sa fougue comme Jorge Lorenzo dans sa troisième saison, il pourrait bien devenir un immense danger.
Conclusion :
Martín a encore des défauts, et heureusement. La MotoGP moderne nous fait trop souvent oublier que les jeunes loups doivent se faire la main avant d’être totalement performants. De nos jours, tous les nouveaux-venus sont rapides, ont les dents longues, et l’excellent plateau Moto2 ne fait que confirmer cette tendance. Cependant, gardons en tête que non, Enea Bastianini n’est pas la norme. Dans l’absolu, ce que fait le « Martinator » est excellent, lui qui compte seulement 33 départs à son actif.
Ses qualités répondent parfaitement à ce que la catégorie reine attendra dans les prochaines années, et c’est pour cette raison qu’il faut garder un œil attentif sur ce champion du monde.
Que pensez-vous de la saison de Jorge Martín ? Dites-le nous en commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport